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L’AVS, les calculs et les juges

Benjamin Ansermet
La Nation n° 2260 23 août 2024

L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a acquis une nouvelle célébrité grâce à son erreur de 4 milliards concernant les dépenses de l’AVS. Parmi les réactions politiques, les Verts ont annoncé le dépôt d’un recours au Tribunal fédéral concernant la votation de 2022 sur AVS 21, dont l’acceptation a, entre autres, conduit à relever l’âge de la retraite des femmes. Le but du parti est d’obtenir l’annulation de la votation et un nouveau vote. L’argument étant que les prévisions – concernées par l’erreur de 4 milliards – ont pesé dans le choix populaire, qui s’était arrêté à une très faible majorité.

Dans l’histoire, une seule votation fédérale a déjà été annulée par le Tribunal fédéral, en 2019, pour des raisons similaires. Il s’agissait de l’initiative «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage», refusée en 2016. Aucune nouvelle votation n’avait toutefois eu lieu; revoter sur l’AVS serait ainsi une première.

Mentionnons un précédent recours qui avait été porté, sans succès, par le PS contre l’acceptation de la réforme de l’imposition des entreprises en 2008. Ici encore étaient en cause les erreurs d’estimation (cette fois de pertes pour les caisses fédérales).

Au-delà du sujet précis de l’AVS, que penser de ce potentiel nouveau cas?

D’abord, ces sujets illustrent une technicisation des objets de votation (et des textes parlementaires pour l’AVS). Les livrets des votations exposent des enjeux complexes, détaillés, demandant des prévisions chiffrées. Les estimations comptables deviennent importantes dans les campagnes et semblent pouvoir peser sur les décisions, qui deviennent plus complexes à comprendre.

Ensuite, une certaine judiciarisation se montre aussi. Les oppositions politiques vont s’affronter devant des tribunaux et les perdants attendent un jugement pour invalider le résultat d’une votation. Deux éléments pourraient peut-être favoriser cela: une polarisation de la vie politique (les recours judiciaires et l’annulation d’une votation plutôt que des compromis politiques) et une américanisation qui donne au tribunal suprême un poids politique important. Enfin, le penchant libéral à recourir au droit et au juge pourrait être pris en compte.

Ces deux principales tendances mettent la politique de côté. Les calculateurs et les juges occupent le centre de la scène. Les politiques réagissent, ou se tournent vers les uns ou les autres.

Nous verrons ce que dira le Tribunal fédéral et si ces tendances se poursuivent. Mais cette multiplication des cas doit être observée d’un œil méfiant.

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