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Patrons et travailleurs, unissez-vous!

Olivier Klunge
La Nation n° 2260 23 août 2024

La paix du travail que connaît la Suisse, frappante en comparaison de nos voisins français, n’est de loin pas due uniquement au caractère autochtone. Elle est le fruit des conventions collectives de travail (CCT), accords signés entre syndicats patronaux et de travailleurs sur les conditions de travail1. Issue de l’esprit corporatiste, cette collaboration entre employeurs et employés est attaquée à gauche par l’idéologie de la lutte des classes et à droite par celle du libéralisme.

L’étatisme, qui prétend que l’Etat doit résoudre tous les problèmes des individus, n’apprécie pas trop de voir lui échapper la réglementation d’une part essentielle de la vie quotidienne. Maint parlementaire préférerait une loi fédérale ronflante, plutôt que d’observer la négociation fastidieuse d’une amélioration des retraites en échange d’une flexibilisation des horaires dans la ferblanterie ou d’une grille de salaire pour le commerce de détail de la ville de Nyon.

Les initiatives pour l’introduction d’un salaire minimum cantonal2 procèdent de cette vision étatiste qui préfère imposer rapidement à tous une règle qui se révélera inadaptée pour plusieurs. Absolue et générale, elle a le défaut d’ancrer un montant qui aura tendance à être considéré comme un salaire légitime, même dans des branches ou des postes où il pourrait être plus élevé (un travailleur français sur six touche le SMIC). Il peut aussi être une barrière à l’engagement de jeunes sans expérience ou de personnes en reconversion ou sortant d’une longue absence du marché du travail.

Les conventions collectives sont précieuses pour la paix du travail. La négociation entre employeurs et employés d’un secteur spécifique permet à chaque partie de défendre les points qui sont, concrètement, les plus importants pour elle. La flexibilisation annuelle des horaires de travail n’a pas la même importance pour le secteur de la construction que pour les laboratoires de prothèses dentaires. La nécessité d’une retraite anticipée n’a pas la même importance pour les maçons que pour la branche des infrastructures de réseau.

Ces négociations, puis la mise en place de commissions paritaires chargées de surveiller l’application des CCT, ont aussi le bénéfice d’habituer les partenaires sociaux à se parler et à collaborer, y compris dans la défense de leur profession.

Sur cet aspect, il convient d’éviter que les «bons élèves», patrons conscients de leur responsabilité sociale et signant une convention collective, ne se voient concurrencer de manière déloyale par des entreprises, y compris étrangères, refusant de se lier à ces contraintes. Il est dès lors légitime que les partenaires sociaux fassent appel à l’autorité publique pour étendre le champ d’une CCT en l’imposant à toutes les entreprises sur le territoire cantonal ou fédéral.

Actuellement, cette extension ne peut être requise que si la majorité des employeurs et des travailleurs est partie à la CCT (art. 2, al. 3, LECCT). Il existe pourtant des branches avec d’innombrables entreprises dont seules certaines, souvent les plus importantes, sont affiliées aux organisations patronales. Même si ces dernières réunissent la plupart des travailleurs du secteur, une protection de l’ensemble des employés n’est pas possible, faute de réunir la majorité des employeurs.

Dans un récent papier de position3, le Centre Patronal propose qu’une extension soit également possible si elle est demandée, soit par des syndicats représentant la moitié au moins des travailleurs, soit par des employeurs représentant au moins 40% des entreprises de la branche et occupant au moins 80% de tous les travailleurs.

Le Centre Patronal propose aussi de répondre aux critiques de certains patrons et éditorialistes libéraux. Certains déclarent que les organisations patronales plaident pour les CCT en raison des revenus qu’elles leur apportent, puisque la gestion et le contrôle du respect des CCT est généralement financé par des cotisations prélevées sur les salaires. Il s’agirait alors d’inscrire dans la loi les bonnes pratiques déjà prescrites par le Secrétariat d’Etat fédéral à l’économie (SECO) en matière de transparence (hauteur et affectation des contributions, des dépenses et des provisions; système de contrôle interne; droit de consultation des comptes) et d’égalité de traitement entre membres et non membres des associations.

Nous soutenons ces propositions et partageons le souci d’encourager et défendre les CCT, qui participent de la collaboration et de la responsabilité sociale au sein du monde du travail, défendant les intérêts des entreprises de notre pays et de leurs travailleurs.

Notes:

1   Notre article dans La Nation n° 2176 du 4 juin 2021.

2   Adoptées à Neuchâtel, Jura, Genève, Tessin et Bâle-Ville. Dans le Canton de Vaud, l’initiative sera soumise au vote prochainement.

3   www.centrepatronal.ch/reglementation-des-relations-de-travail

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