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Trois façons de décider en assemblée

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2261 6 septembre 2024

Quand une assemblée prend ses décisions à l’unanimité, on parle de «décision par consensus». L’unité des décideurs garantit en quelque sorte la pertinence de la décision. Impropre à la décision d’urgence, l’exigence du consensus peut être bénéfique pour les décisions de fond. La durée évacue les éléments passionnels ou trop circonstanciels.

Ce système collaboratif évite les rancœurs, puisqu’il n’y a pas de vaincus. Il évite aussi les remises en question, puisque tout le monde est d’accord. Mais sa pratique exige la bonne volonté de chacun, car chacun jouit de fait d’un droit de veto qui lui permet de bloquer tout le processus.

Cela dit, le nombre n’a pas forcément raison et il peut être heureux qu’un seul fasse obstacle à l’erreur de tous.

Il se peut aussi qu’une vérité ait besoin de l’affrontement de positions contradictoires pour se révéler. Or, une assemblée soucieuse d’unanimité risque de préférer un arrangement médiocre à la perspective d’un conflit, peut-être éclairant, mais contraire à l’esprit bienveillant du consensus.

Il se peut encore qu’un accord final ait nécessité tant d’efforts, de compromis voire de sacrifices qu’il devient en lui-même la vérité recherchée, indépendamment du fond. «Où est l’unité, là est la vérité», se dit l’assemblée qui, du même coup, s’enferme en elle-même et devient, sur le point traité, sa propre référence.

Enfin, le système exige le présentiel. C’est dire que l’assemblée ne doit pas être trop nombreuse. Les logiciels de téléconférence permettent certes de l’étendre un peu, mais c’est au détriment de la proximité physique, laquelle contribue au sentiment, essentiel dans le système du consensus, de faire partie d’un tout.

Le système majoritaire est moins exigeant et plus pratique. Il est brutal, quand la majorité est minime, ou quand la minorité reste convaincue d’avoir raison. Mais il permet de respecter les délais, car on arrive toujours à trouver une majorité: il suffit de décompter les voix. Quand la minorité est importante, il y a des risques pour que la décision revienne sur le tapis, surtout quand la décision prend à rebrousse-poil l’idéologie dominante, individualiste, collectiviste et centralisatrice.

Les systèmes majoritaire et unanimitaire sont l’un et l’autre égalitaires. Le rôle du président est très limité. Sa fonction est d’introduire, conduire et clore les débats, puis de lire le résultat du vote à haute voix. Pour ce qui est de la décision, sa voix ne vaut pas plus que celle du membre lambda.

Les deux systèmes ont aussi en commun de fusionner deux fonctions distinctes. C’est le même organe qui délibère et qui décide. Cette fusion trouble les débats et délaie les responsabilités.

A la Ligue vaudoise, nous distinguons nettement les fonctions: la délibération est le fait de l’assemblée, et la décision revient au président. Celui-ci écoute les avis et conseils des membres de l’assemblée. Ceux-ci parlent franchement, n’ayant pas besoin de biaiser leur position pour obtenir un consensus ou une majorité, étant donné que ces notions ne jouent aucun rôle dans la décision finale.

Quant au chef, prenant seul la responsabilité de la décision et de ses conséquences, au confluent des arguments, au fait des vieux principes éprouvés mais aussi à l’écoute de son imagination, il conclut, en général dans le sens de ce qui s’est dessiné au cours de la discussion. Il ne le fait pas toujours, car il entend aussi ses intuitions personnelles… et les avertissements obscurs de son estomac.

L’objection immédiate est: «C’est bien beau, mais que se passe-t-il quand le chef est incompétent ou corrompu ou fou, puisque l’assemblée n’a aucun contrôle sur lui et que ses décisions sont sans appel?» A cette critique, recevable sur le plan abstrait, notre réponse est existentielle: le système n’a de sens que fondé sur l’existence préalable de relations de confiance unissant le chef et ses collaborateurs. Cette confiance découle de l’amitié engendrée par les actions communes, de l’engagement personnel à long terme qui empêche qu’une seule décision ne débouche sur une rupture, et des qualités de jugement et de commandement du chef. La pratique nourrit la confiance, la confiance justifie l’autorité. Si la confiance n’existe pas, le système est mort-né. Si la confiance existe, c’est le système le meilleur.

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