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LPP: réformer n’est pas dénaturer

Jean-Hugues Busslinger
La Nation n° 2261 6 septembre 2024

Le 22 septembre prochain, le peuple est appelé à voter sur une modification de la LPP. Dans le souci de satisfaire chacun (les élections fédérales de 2023 n’étaient alors pas loin), le projet des Chambres fédérales, combattu par référendum, accumule des défauts qu’on considérera à raison comme rédhibitoires. Il serait plus sage et moins dommageable à long terme de remettre l’ouvrage sur le métier. Une meilleure réforme est sans conteste possible.

Le système de prévoyance vieillesse helvétique repose sur trois piliers, différents et complémentaires. Le premier pilier – l’AVS – assure le socle minimum des prestations; il est financé par répartition, c’est-à-dire que les cotisations prélevées sont versées dans un fonds qui paie les rentes mensuelles aux ayants droit. Hormis quelques réserves, les transferts sont immédiats: les travailleurs financent les rentiers. Le deuxième pilier, organisé par la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), est financé par capitalisation: chaque assuré cotise pour lui-même auprès d’une caisse de pensions et son avoir de vieillesse s’accumule durant la vie professionnelle. Il servira à déterminer les rentes une fois l’âge de la retraite atteint. Le troisième pilier est une affaire individuelle et représente les économies volontaires de chacun qui pourront, elles aussi, contribuer à maintenir le train de vie lorsque la retraite sonne. Ce système a fait ses preuves. Il nécessite toutefois quelques aménagements, rendus nécessaires par le vieillissement de la population qui implique l’allongement de la période de perception des rentes.

La réforme proposée consiste d’une part à réduire le taux de conversion de 6,8 à 6%, c’est-à-dire le taux légal qui, appliqué au capital accumulé, détermine le niveau de la rente (p. ex. capital accumulé 500'000 francs: rente actuelle 500'000 x 6,8% = 34'000 francs par an; au nouveau taux, 30'000 francs par an). Cette réduction est imposée par l’évolution du marché des capitaux qui ne permet pas, sur le long terme, de garantir les rentes au niveau actuel. Outre cette mesure, le projet vise à renforcer l’épargne et donc le capital accumulé, en particulier en tenant mieux compte des nouvelles habitudes de travail et notamment du travail à temps partiel: le seuil de cotisation serait ainsi abaissé et des mesures de compensation prévues pour la moitié environ des rentiers pénalisés par la baisse du taux de conversion.

Un défaut de conception majeur

Le défaut majeur de cette réforme tient à la confusion entre capitalisation et répartition. Soucieux d’accorder des mesures de compensation à la plupart de ceux qui auraient à supporter une diminution potentielle des rentes liée à la réduction du taux de conversion, le projet introduit dans la LPP un mécanisme de supplément de rentes financé par répartition (or, on a vu que la répartition est la caractéristique du 1er pilier). Cette compensation serait versée à une moitié environ de la génération de transition, celle qui partira à la retraite dans les 15 ans suivants la mise en œuvre du système. Ce mélange des genres malvenu représente une erreur conceptuelle; ce faisant, on affaiblit un système qui, on l’a dit, a largement fait ses preuves. On charge encore un peu plus les assurés actifs (par des prélèvements supplémentaires pour payer les suppléments de rente des retraités), alors que l’un des buts de la réforme est justement de renforcer les mécanismes de capitalisation.

Il faut avoir à l’esprit que le taux de conversion détermine le minimum légal des rentes du 2e pilier. On estime que ce minimum ne concerne qu’environ 10% des retraités, la très forte majorité d’entre eux bénéficiant de dispositions plus favorables qui, même en tenant compte de la diminution prévue du taux de conversion, n’entraîneront pas de diminution de rente. Les mesures de compensation prévues, versées sous forme de supplément forfaitaire, concernent cependant tous les nouveaux rentiers et non ceux qui en auront réellement besoin: par cet effet arrosoir – mécanisme qui coûtera tout de même environ 800 millions de francs par année – on accorde des suppléments non indispensables à la plupart, tandis que l’on crée des inégalités de traitement entre les personnes fraîchement retraitées et celles sur le point de prendre leur retraite. Ceci sans compter que le mécanisme imposerait une nouvelle couche bureaucratique pour prélever et reverser les cotisations et les suppléments de rente auprès des institutions de prévoyance.

On le constate, le système proposé est entaché de nombreux défauts. Mal ciblée, complexe administrativement et pratiquement, conceptuellement erronée, la réforme bâclée qui nous est proposée ne mérite aucun soutien: nous voterons NON à la réforme de la LPP le 22 septembre prochain.

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