Un chef de l’Armée ne devrait pas dire ça
Interrogé par un journaliste du Blick, le commandant de corps Thomas Süssli a déclaré que «l'Armée suisse pourrait envoyer 200 soldats pour assurer la paix en Ukraine». Lorsqu’une annonce d’une telle portée politique n’émane pas du gouvernement, mais du chef de l’Armée, on se demande si on n’est pas en présence d’un coup d’Etat militaire. Mais ne vous réjouissez pas trop tôt, car il n’en est rien: le commandant de corps Süssli ne faisait que répondre d’un point de vue technique à une question présentée comme technique; et sa réponse technique a ensuite été sortie de son contexte et montée en épingle pour créer un titre à sensation, repris par l’ensemble de la presse pour semer la pagaille sur la scène politique.
Il n’empêche que, pour un officier de haut rang, se laisser piéger comme un gamin par le premier journaliste venu, ça n’a pas très bonne façon. Et la propension à trop parler, hélas courante dans la société, constitue un travers carrément rédhibitoire pour un militaire. (En France, l’armée est surnommée la Grande muette; en Suisse, ce serait plutôt la Grande bavarde.) Lorsqu’on a appris, quelques jours plus tard, que le chef de l’Armée avait présenté sa démission, on a logiquement pensé à un lien de cause à effet. Mais là encore, détrompez-vous: la démission datait de fin janvier et n’avait aucun rapport. Elle s’intègre cependant dans le contexte de la longue litanie de crises et de maladresses que notre armée traîne actuellement derrière elle – et dont on soupçonne, à regret, que toutes ne sont pas entièrement inventées par les médias.
Nous avons donc une armée qui manque de soldats, qui a mis à la porte quasiment tous ses divisionnaires, et qui maintenant se cherche un chef – en espérant que d’ici là elle se retrouve au moins un ministre. Voilà une illustration poignante de la pénurie de main-d’œuvre en Suisse.
Mais alors que les antimilitaristes tirent prétexte de cette situation pour réclamer la suppression de l’armée, nous serions tentés, pour notre part, de revendiquer la suppression… de la Confédération. Faut-il rappeler que la raison première du lien confédéral était précisément la défense? A voir ce qu’il en advient aujourd’hui, on se demande si les Cantons n’auraient pas intérêt à reconstituer leurs propres bataillons, comme autrefois. Moins cher, plus efficace. Consommez local, défendez local!
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La langue du troisième Reich – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Communes: un regard du bout du Lac – Revue de presse, Rédaction
- Décroissance à géométrie variable? – Jean-Hugues Busslinger
- Le platisme et la décroissance – Jean-François Cavin
- L’identité suisse au défi – Jean-Baptiste Bless
- Suppression de la valeur locative: un marché de dupes? – Antoine Rochat
- Ordre et Liberté: réponse à M. Philippe Leuba – Colin Schmutz
- Dépenses de personnel de la Confédération – Jean-François Cavin
- C’est la guerre, toujours – Jacques Perrin
- Les aborigènes au pouvoir – C.