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La politique extérieure du Canton

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2003 17 octobre 2014

«La Confédération suisse est composée de vingt-six Etats ayant rompu leurs relations diplomatiques»: la fameuse boutade est caduque, il suffit de lire les trente pages du dernier Rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur les affaire extérieures1 pour s’en convaincre. L’Etat de Vaud conduit aujourd’hui une politique extérieure engagée et systématique.

Il continue bien entendu de se prononcer sur les projets fédéraux soumis à consultation. Il se prononce aussi, quand il est unanime, sur les objets des votations populaires. C’est justifié sur les objets proprement politiques, ça ne l’est pas toujours sur les autres. Fallait-il vraiment, par exemple, prendre position sur l’initiative «Financer l’avortement est une affaire privée»?

Il conduit des projets transcantonaux comme l’hôpital du Chablais ou le Gymnase intercantonal de la Broye. Allié à Genève, il fait valoir auprès du Conseil fédéral les intérêts urgents de l’Arc lémanique à améliorer ses voies de transport routières et ferroviaires.

Il entretient des relations avec les départements français voisins, mais sans en attendre des merveilles. Ces relations sont limitées aux questions de niveau départemental, ce qui, en France parisienne, ne va pas très loin. Les éventuels traités doivent être validés par la Confédération.

Enfin, l’Etat de Vaud cultive des relations économiques ou culturelles avec la France bien sûr, mais aussi, au fil des ans, avec la Chine, la Corée du Sud, le Japon, la Russie, le Bénin.

En 1992, conscients qu’une adhésion à l’Espace économique européen affaiblirait leur souveraineté, les cantons exigèrent une participation accrue aux décisions de politique étrangère de la Confédération, en particulier celles qui concernaient l’Union européenne.

Le refus populaire de l’EEE ne diminua pas cette exigence, qui déboucha notamment sur la création de la Chambre des gouvernements cantonaux. Celle-ci joue un peu le rôle de représentant des cantons que le Conseil des Etats ne joue plus. C’est à elle qu’on doit la réussite du référendum des cantons – le premier de l’histoire suisse – contre un paquet fiscal fédéral particulièrement centralisateur. Elle n’intervient publiquement que si dix-huit cantons au moins ont donné leur aval. L’administration fédérale la respecte, la craint même.

La Constitution vaudoise de 2003 a facilité cette évolution en renforçant le rôle du président du Conseil d’Etat: désormais, celui-ci est responsable de «la cohérence de l’action gouvernementale» (art. 115); il «dispose de l’administration générale, coordonne l’activité des départements et veille à leur bon fonctionnement» (art. 117). Enfin, il «conduit […] les relations extérieures» (article 29 de la loi sur l’organisation du Conseil d’Etat). La présidence constitue un facteur important de l’unité gouvernementale. Et sans cette unité, il n’y a pas de politique, extérieure ou non, digne de ce nom, c’est-à-dire à la fois cohérente et durable.

Le président n’en est pas moins à la tête d’un département ordinaire. Quand M. Maillard, lourdement chargé par son Département de la santé et de l’action sociale, reprit la présidence de M. Broulis, celui-ci conserva la charge des affaires extérieures. Peut-être avisée à court terme, cette décision cassait l’unité de la présidence2. Elle était d’ailleurs contraire à l’esprit de la Constituante autant qu’à la lettre de la Constitution. Il importe de réunir ces éléments épars sous une seule et même autorité.

Notre politique extérieure est donc faste mais elle reste fragile. L’unité du collège gouvernemental, dont elle dépend étroitement, subsistera-t-elle quand les acteurs actuels, qui en ont fait une priorité, se seront retirés? On espère qu’ils préparent leur succession dans ce sens, mais est-ce seulement possible dans la perspective essentiellement discontinue de la démocratie électorale?

Dans tous les cas, notre diplomatie doit veiller à ne jamais confondre l’affirmation de la souveraineté du Canton et la défense de ses intérêts économiques, en d’autres termes, confondre le fédéralisme et la prospérité. Sinon, elle se trouvera placée dans des situations contradictoires où elle demandera ou soutiendra des lois fédérales centralisatrices au nom des souverainetés cantonales.

Les cantons sont beaucoup plus que des groupes de pression, étant, aux termes mêmes de la Constitution fédérale, les détenteurs premiers de la souveraineté. Il serait profondément antipolitique de les réduire au rang de lobbies, même puissants et efficaces.

Notes:

1 En février de cette année, nous affirmions à tort que ce Rapport avait disparu. Nous sommes heureux de nous être trompé.

2 Cassure aggravée par le passage du Service du personnel et de l’informatique générale à Mme Gurrite et du Service juridique et législatif à Mme Métraux.

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