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Les soldats suisses au service de la Hollande

Daniel Laufer
La Nation n° 2003 17 octobre 2014

Le soir de la bataille, nous dit Paul de Vallière, le duc de Malborough vit passer les six régiments suisses de Hollande. Devant les bataillons décimés du régiment de Mestral marchait un enfant de quinze ans, François- Noé de Crousaz, de Lausanne. Seul officier (sic!) survivant, il serrait contre lui le drapeau qui avait failli lui coûter la vie et qu’il avait si bien défendu. Le lieutenant Victor Stürler, blessé lui-même, avait rassemblé les survivants du régiment Hirzel. Un cadet- grenadier, Jérôme Linder, de Bâle, deux blessures, nommé lieutenant sur le champ de bataille par le major Constant, marchait en tête de sa compagnie. Nous le retrouverons plus tard maréchal de camp. L’enseigne Emmanuel de Wattewille ramenait une poignée d’hommes déchirés par les balles et les coups de sabre; ils étaient soixante-dix, tout ce qui restait des 1200 hommes du régiment de Stürler. Malborough, le prince Eugène, généraux, soldats, tous saluèrent le défilé tragique des Suisses1.

Nous sommes à l’issue de la terrible bataille de Malplaquet, le 11 septembre 1709, où périrent, à côté de milliers d’hommes des troupes alliées et française, 963 Suisses; on dénombra dans leurs rangs 1971 blessés. Cet extrait du bel ouvrage De Nimègue à Java: les soldats suisses au service de la Hollande XVIIe-XXe siècles2, donne une idée saisissante de ce qu’était le métier de mercenaire et du rôle qu’ont joué maints officiers des cantons protestants. Daniel Audétat l’a présenté avec talent dans 24 heures du 4 août dernier, mais il vaut la peine d’y revenir dans nos colonnes, tant furent importantes les relations entre les Provinces Unies et les cantons protestants, Berne en particulier, et tant est impressionnant le résultat du travail de Sébastien Rial, directeur de la publication, et de Nadia Pierro pour la conception graphique.

Ce livre au grand format comprend quatorze contributions, d’une belle diversité, d’historiens et de spécialistes du service des Suisses à l’étranger et de ce qu’on appelle la capitulation3, ou convention entre deux Etats réglant le statut des ressortissants, notamment militaires, de l’un dans l’autre. Chaque contribution, dont quelques-unes en allemand ou en anglais, quand son auteur est hollandais, est illustrée de portraits de patriciens suisses, officiers de régiments au service du Stathouder ou du roi, des nombreux uniformes de ces régiments, d’armes, de cartes de l’époque, de fac-similés de certificats, comme par exemple celui que «David Ludwig d’Aulbonne, General Major bey der Infanterie» décerne à la Haye, le 5 juin 1773, au nom des «Hochmenden Herren General Staaten des Vereinigten Niederlanden, etc., etc., etc.» au soldat Jean-François Bonnard – dont l’engagement fut méritoire.

Les premiers engagements de régiments suisses datent de 1605: Pierre de Brederode est envoyé par les Etats généraux des Provinces Unies aux Cantons Suisses pour trouver de l’aide dans leur lutte contre l’Espagne, en un premier temps sans grand succès; mais les choses se corsent dès la Révocation de l’Edit de Nantes, en 1685; non seulement la formation de régiments suisses prend de l’importance pour arriver au chiffre de 20 400 hommes et neuf régiments en 1749, mais on proteste contre la présence de troupes suisses dans les rangs de l’armée du roi de France! En 1815, les Pays-Bas entretiendront quatre régiments suisses qui seront officiellement licenciés en 1825. Mais… c’est alors le début de la guerre de Java qui entraîne la création de la Koninklijk Nederlands-Indisch Leger (KNIL), l’armée royale des Indes néerlandaises, qui comptera jusqu’à 10 000 soldats mercenaires – dont de très nombreux Suisses, en dépit de l’interdiction du mercenariat. Dernier en date, semble-t-il, le capitaine grison Hans Christoffel qui quitta son service à Batavia, couvert de gloire… en 1907!

Notes: 

1 In L’affaire des Suisses à Malplaquet: les assauts du Prince d’Orange par † Arthur Barbéra (pp. 43 et suiv.) 2 Publié en avril 2014 par le Château de Morges et ses Musées et le Centre d’Histoire et de Prospective militaires.

3 On trouve en annexe plusieurs de ces Capitulations entre Leurs hautes Puissances et le louable canton de Bern.

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