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Non à une fiscalité isolationniste

Cédric Cossy
La Nation n° 2011 6 février 2015

Le 8 mars prochain, nous aurons à nous prononcer sur l’initiative du parti vert’libéral proposant de «remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l’énergie». Le Conseil fédéral et les deux Chambres se sont prononcés contre ce texte, sans contre-projet.

La TVA rapporte annuellement près de 22 milliards de francs à la Confédération et représente plus du tiers de ses recettes. Cette manne alimente en grande partie la caisse générale, mais une part est affectée à des tâches spécifiques, notamment au financement de l’AVS et de l’AI.

La Suisse consomme l’équivalent énergétique de 230 TWh par an. En divisant les besoins financiers par la consommation, les auteurs de l’initiative arguent que la taxe serait de l‘ordre de 15 centimes par kWh ou l’équivalent d’environ 1,50 francs par litre de combustible ou carburant. Tenant compte de l’évolution «naturelle» (soit sans augmentation du taux de base) des rentrées liées à la TVA, de la baisse de la consommation d’énergie que susciterait la hausse massive des tarifs et de la taxation des seules énergies non renouvelables, le Conseil fédéral parle d’une augmentation de l’ordre de 33 centimes par kWh ou de 3 à 3,30 francs par litre de combustible ou carburant.

Inutile de débattre pour savoir qui a la meilleure calculette. Dans les faits, la Confédération devra trouver, grâce à la TVA ou à la nouvelle taxe sur l’énergie, l’équivalent de 25 à 30 milliards par an pour alimenter ses caisses. C’est uniquement la répartition de ce prélèvement qui serait appelé à changer. Essayons d’en imaginer quelques conséquences.

Dans le domaine électrique, la nouvelle tarification ouvrirait des possibilités de rentabilité quasi illimitées pour les sources renouvelables. Mais l’explosion immédiate de la demande en courant vert – tout consommateur voudra éviter la taxe – conduirait à des importations immédiates et massives de courant photovoltaïque ou éolien vendu par les distributeurs allemands, prenant de court toutes les «entreprises innovantes» suisses censées, selon les défenseurs de l’initiative, être les premières bénéficiaires de cette réforme fiscale. L’hydroélectricité se retrouverait fortement revalorisée. Mais, sachant les retours de concession très proches, les sociétés concessionnaires seront peu enclines à investir dans des augmentations de capacité, les équipements correspondants devant être remis aux communes ou aux cantons concédants.

Le modèle tout à fait original d’une fiscalité énergétique mettrait la Suisse en porte-à-faux par rapport aux pays qui nous entourent. Les entreprises suisses devraient, taxe sur l’énergie oblige, produire cher sans pouvoir déduire la TVA sur leurs exportations. Dans l’autre sens, l’importation de biens étrangers deviendrait plus avantageuse que leur production en Suisse, grevée d’une taxe énergétique rédhibitoire. Dans les deux cas, une baisse de l’activité économique et des pertes d’emploi dans le secteur industriel sont à prévoir. On s’acheminerait rapidement vers une inversion de la balance économique, et une baisse du PIB. Comme l’initiative prévoit que le produit de la taxe «corresponde à un pourcentage déterminé du produit intérieur brut», on se demande par quel moyen la Confédération pourrait sortir du cercle vicieux ainsi initié.

Au moins partiellement conscients de ces dangers, les auteurs de l’initiative ont prévu des exceptions avec, d’une part la possibilité de taxer l’énergie grise sur les produits d’importation, d’autre part d’accorder des exemptions de taxes aux industries d’exportation ou fortes consommatrices d’énergie. Au vu de la mise en pratique de la loi sur le CO2, on peut prévoir autant d’exemptions que d’entreprises faisant affaire à l’étranger. In fine, le jeu des exemptions se traduirait par un report de l’entier de la fiscalité énergétique sur les PME du marché intérieur et les privés. Il faut aussi souhaiter bon courage aux négociateurs suisses qui seraient chargés d’expliquer à leurs partenaires l’introduction de taxes incompatibles avec les accords de libre-échange signés par la Suisse.

Sur un point au moins, l’initiative des vert’libéraux atteindrait ses but: le torpillage de l’industrie suisse induirait une forte baisse de la consommation énergétique. Les laissés-pour-compte de l’économie pourraient quant à eux se préparer à chauffer l’entrée de leur grotte d’un feu de bois pour échapper à la taxe.

Les auteurs de l’initiative parlent aujourd’hui déjà d’un succès d’estime s’ils récoltaient 30 % de oui. L’initiative n’a rien d’estimable, ceci d’autant qu’un bon score conforterait le DETEC de Mme Leuthard dans son projet de fiscalité énergétique en élaboration dans le cadre de la stratégie énergétique 2050. Nous voterons résolument NON le 8 mars.

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