Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Le message

Jacques Perrin
La Nation n° 2015 3 avril 2015

Aujourd’hui nous vous terrorisons, nous vous dominerons demain. Vous abreuvant d’images insupportables, nous retournons contre vous les techniques que vos universités nous ont apprises. Vous ne savez plus ce qu’est la mort. La chair ensanglantée («cruor» dans une de vos langues anciennes…) vous effare. Nous vous rappelons que vous avez un corps, c’est cruel… Vos droits de l’homme, nous nous en servons pour nous imposer chez vous; nous sommes iconoclastes comme vos protestants lorsqu’ils croyaient encore au Dieu dont on ne fait pas d’image. Nous nous multiplions, vos femmes sont infécondes; nous pouvons nous permettre de sacrifier nos hommes. Vous dites que nous sommes lâches, mais nos martyrs savent mourir. Et vos drones, et vos pilotes de bombardier, et vos snipers bien nourris, sont-ils courageux? Nos talibans en sandales résistent avec des fusils, vous n’avez jamais vaincu nos Afghans. Nous ne sommes pas si nombreux, mais les libertins d’avant 1789, les bolcheviques, les nazis ne représentaient que quelques poignées d’hommes résolus. Dieu est avec nous. Nous avons le temps. Chaque jour, les victimes des guerres que vous avez fomentées abordent vos côtes, vos îles. Nos Syriens, nos Irakiens et nos Somaliens débarquent. Le statut que votre pitié leur octroie les protège. En Algérie, à Abou Ghraib, à Guantanamo, vous avez violé notre honneur viril. Rappelez-vous cette image que vous avez diffusée partout: on y voyait une femme-soldat américaine avec une tresse blonde, massive, les mains sur les hanches, surveillant à travers un grillage nos frères habillés en orange comme des voyous yankees; sa présence hautaine les humiliait. Nous ne vous le pardonnons pas, comme nous ne pardonnons pas les insultes faites au prophète. Aurons- nous besoin de porter la guerre sur votre sol pour vous abattre? Même pas. Vous vous rendrez, vous vous convertirez, car la force armée n’est plus rien pour vous, les Européens, obligés obéissants de l’Amérique. Vous n’avez pas écouté ceux auxquels la colonisation répugnait, les conservateurs et les anarchistes. Vous vouliez imposer vos Lumières au monde. Vous payerez cette erreur. Nous vous fûmes soumis durant un siècle. Le vent a tourné. Le Califat renaît.

Voilà le message que nous délivrent nos chers djihadistes.

Au vingtième siècle, les tortionnaires pratiquaient leur métier en secret, dans les caves, dans des camps de concentration perdus en Pologne ou en Sibérie, où des fortins étaient réservés aux violences extrêmes.

Les djihadistes, utilisant les nouveaux moyens de communication, étalent leurs atrocités aux yeux du monde. Ils immolent, crucifient, égorgent et décapitent pour le public de la toile. Ils mettent la violence en scène avec ce supplément de cruauté qui sidère. Ils renouent en quelque sorte avec l’Antiquité où le spectacle des supplices se donnait dans les cirques, et avec l’Ancien Régime où les bourreaux officiaient sur les places publiques.

Dans cette stratégie, il faut faire la part du plan et celle de la bouffonnerie, présente par exemple dans la branche nigériane du djihadisme, Boko Haram, ou chez les ex-rappeurs et informaticiens londoniens préposés aux assassinats.

Selon Albert Camus, le suicide est le seul problème philosophique qui importe. La cruauté apparaît tout aussi mystérieuse. L’homme est le seul animal politique, religieux et conscient de son existence. Le seul animal cruel, c’est aussi lui.

La cruauté est ambiguë. Elle manifeste la puissance qui veut s’affirmer, une violence jouissive et calculée, mais signale en même temps une rancune profonde, la souffrance propre de celui qui torture, un désir de vengeance longtemps réprimé qui soudain explose. L’homme cruel s’en prend à des êtres sans défense. Il arrose d’essence un pilote enfermé dans une cage et lui met le feu à distance. Les victimes souffriront irrémédiablement, puis mourront. Elles le savent. Les bourreaux jouissent de savoir qu’elles le savent.

Les supplices, les exécutions sommaires et les actes terroristes déshonorent leurs auteurs; elles ne relèvent pas du combat loyal, ne demandent aucun courage. Les bourreaux se moquent de ces jugements moraux. Il s’agit dans leur perspective de provocations destinées à signaler que les victimes ont décidé de prendre leur revanche.

Après une longue période brillante et conquérante, la civilisation musulmane a décliné. Sur les plans militaire, technique et scientifique, elle a subi la loi de l’Occident et de la Russie. L’Empire ottoman fut dépecé, les richesses pétrolières engraissèrent les puissances coloniales. Le Caucase, la Libye, le Maghreb, l’Inde du Nord et l’Indonésie furent occupés durant des décennies. D’autres contrées (la Palestine) furent partagées selon les intérêts européens. Seules l’Egypte, la Perse et l’Arabie saoudite échappèrent quelque peu à l’avidité occidentale.

La rancune des Musulmans explosa après la Seconde Guerre mondiale.

L’islam rêve à nouveau de conquêtes. Il tient une grande partie de l’Afrique, il repeuple les anciennes puissances coloniales atteintes de déclin démographique.

Ferons-nous face?

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: