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La naturalisation de la «troisième génération»

Jean-François Cavin
La Nation n° 2016 17 avril 2015

Les immigrés de la «troisième génération» – ceux dont un grand-parent était déjà venu en Suisse et dont un parent y a vécu dès ses jeunes années – sont en fait des enfants du pays, que rien ou presque ne distingue des Vaudois, Genevois ou Zuricois de souche. Ils ne bénéficient pourtant d’aucun allègement des conditions de naturalisation posées par la Confédération: comme pour les autres, 12 ans de séjour, les années passées entre l’âge de 10 et 20 ans comptant double. Certains cantons, dont celui de Vaud (et cela dès la 2e génération), ont diminué leurs propres exigences, pour la durée du séjour requise et pour le contrôle de l’intégration. Mais les effets en sont limités tant que la Confédération n’assouplit pas son régime.

A la suite d’une initiative de la conseillère nationale vaudoise Addolorata (dite Ada) Marra, la commission des institutions politiques de la chambre basse a déposé un projet visant à mettre les immigrés de la troisième génération au bénéfice de la naturalisation facilitée. Si l’on comprend bien (les textes ne sont pas très clairs), aucune condition de durée du séjour ne serait plus posée; mais l’intéressé – ou ses représentants légaux s’il est mineur – resterait tenu de formuler une demande: pas d’automatisme donc, contrairement à un projet précédent refusé en votation populaire.

Jusque là, la proposition semble judicieuse et mesurée. Malheureusement, la commission parlementaire a chargé le bateau. Elle préconise en effet une modification constitutionnelle selon laquelle la Confédération règle l’acquisition de la nationalité non seulement en fonction du droit de la famille (par filiation et par mariage, comme jusqu’ici), mais encore «par naissance en Suisse»; ce qui ouvre la porte à une acquisition de la nationalité jure soli de façon générale, et non seulement pour la troisième génération. L’UDC a déjà réagi négativement. Pour faire bon poids, la commission parlementaire propose en outre de renforcer les pouvoirs de la Confédération: au lieu qu’elle «édicte des dispositions minimales» sur la naturalisation par les cantons, elle aurait la compétence, expressément présentée comme plus étendue, de fixer des «principes» (on sait l’interprétation extensive de ce mot en matière d’aménagement du territoire notamment).

La Suisse compte près de deux millions d’étrangers sur le papier, dont la majorité toutefois vit sous nos cieux depuis fort longtemps. Le régime restrictif de la naturalisation est un des éléments qui les dissuade d’acquérir le droit de cité de leur canton de résidence. Il est opportun de rendre cette démarche plus aisée, en particulier pour la troisième génération d’immigrés, dont l’effectif, inconnu précisément, pourrait avoisiner 100’000. Mais il faut maintenir le principe selon lequel la décision principale est celle du canton (les naturalisés doivent «vivre» le fait que tout citoyen d’un canton est citoyen suisse, et non vice-versa!), alors que la naturalisation facilitée prévue relèverait du seul Office fédéral des migrations. Et il faut éviter – ne serait-ce que pour échapper à un nouveau refus en vote populaire – de profiter de l’occasion pour introduire subrepticement (même si on ne l’utilise pas à ce stade) la possibilité constitutionnelle d’un automatisme jure soli, étranger à nos traditions, et pour faire un pas supplémentaire vers l’accroissement des pouvoirs fédéraux.

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