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Halte à la promulgation envahissante de lois inutiles

RédactionOn nous écrit
La Nation n° 2016 17 avril 2015

M. Franz Weber a probablement eu raison de combattre certains excès en matière de construction de résidences secondaires. Il en est résulté l’acceptation de l’article 75b de la Constitution fédérale. Cette nouvelle disposition accompagne et précise l’article 75, consacré à l’aménagement du territoire qui «sert l’utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire».

La Constitution fédérale fixe le cadre de l’activité de l’Etat qui «doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé» (art. 5 al. 2). Elle énumère notamment un certain nombre de libertés fondamentales dont les Suisses jouissent et qui sont garanties dans les limites de la loi. Citons par exemple la liberté d’établissement dans un lieu quelconque du Pays (art. 24) et la garantie de la propriété prévoyant une pleine indemnité en cas d’expropriation ou de restriction à la propriété équivalant à une expropriation (art. 26).

L’«initiative Weber» fut présentée aux électeurs sous le titre: «Halte à la construction envahissante de résidences secondaires» et soutenue par des affiches représentant un Cervin couvert de chalets presque jusqu’au sommet. On pouvait légitimement en déduire que le but poursuivi était l’interdiction de toute nouvelle construction de résidence secondaire sur un terrain jusqu’alors non bâti, dans un but de préservation du paysage.

Or c’est tout autre chose qu’apporte la loi du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires. En effet, l’article 6 de la loi, qui pose le principe, ne parle même pas de «construction» mais dit simplement: «aucune nouvelle résidence secondaire ne peut être autorisée».

Cette règle générale implique notamment pour le propriétaire d’un bâtiment «créé selon l’ancien droit», c’est-à-dire avant la votation de 2012, dont «le mode d’habitation est libre» (art. 11 al. 1), qui demande un permis de transformation, qu’il n’est en fait libre que dans les limites des surfaces construites préexistantes (art. 11 al. 2). Où est la notion de «construction envahissante»? Où se terre le principe d’«occupation rationnelle du territoire»?

Une autorisation peut être accordée pour des agrandissements jusqu’à 30% au plus et pour autant qu’il n’en résulte pas de logement supplémentaire, sauf à ce qu’il s’agisse, exclusivement, de résidence principale. Où est la garantie de la propriété?

La construction d’un nouveau logement ou l’agrandissement dépassant les 30% (dans les communes concernées) implique l’inscription d’une mention de résidence principale au registre foncier, sans limitation dans le temps, ce qui signifie que ledit logement doit rester affecté à une résidence principale pour l’éternité.

Afin de bien contrôler le strict usage en résidence principale, les communes concernées devront annoncer tout déménagement aux autorités en charge des permis de construire (art. 16); en cas de violation de l’obligation d’utilisation en résidence principale, la commune devra faire apposer des scellés sur le logement (art. 17 al. 3); les employés communaux auront une obligation de dénonciation (art. 17 al. 4).

Ainsi qu’on le voit, de la prohibition de «construction envahissante de résidences secondaires», on en arrive à de très importantes restrictions aux droits des propriétaires dans les régions touristiques, avec un contrôle inquisiteur de l’autorité communale. Les habitants de ces régions sont déjà prétérités en matière d’infrastructures publiques, telles qu’hôpitaux ou écoles, en offre culturelle et en variété de commerces. Devraient-ils de surcroît être les seuls Suisses à ne pouvoir déménager à leur guise ni pouvoir disposer librement de leur bien immobilier? Où est l’égalité devant la loi (art. 8 al. 1 Cst. féd)?

Quel est le danger, pour «l’intérêt public» au sens de l’article 36 al. 2 Cst. féd. («Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public.»), de voir le sol helvétique se couvrir de résidences secondaires qui justifierait de si profondes atteintes aux libertés fondamentales? Il est bien mince et va diminuendo : en application de la Lex Friedrich, le nombre d’acquisition de logements de vacances par des personnes domiciliées à l’étranger est plafonné; depuis quelques années, le quota fédéral n’est plus utilisé, tombé de 1372 unités en 2012 à 1159 en 2013. Dans le Canton de Vaud, sur les 175 unités disponibles en 2014, seules 20 furent attribuées.

Il convient d’ajouter qu’outre la crise économique frappant divers pays voisins et la cherté relative du franc, les restrictions tant civiles, bancaires, fiscales qu’administratives, que la Confédération a introduites au cours des dernières années, diminuent considérablement l’attrait de la Suisse.

Ces nouvelles donnes, combinées à la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire, rendent inexistantes les justifications aux atteintes à la garantie de la propriété, au choix du libre établissement et à l’égalité devant la loi.

Vous rétorquerez que l’article 75b Cst. féd., avec son libellé selon lequel «les résidences secondaires constituent au maximum 20% du parc des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque commune», doit être appliqué. Certes. Mais un article ne saurait contredire et vider de leur sens d’autres dispositions de même niveau juridique. Les articles de la Constitution se complètent, se précisent et se pondèrent l’un l’autre, en vertu de ce qui s’appelle la pesée des intérêts. L’article 75b doit donc s’inscrire et s’interpréter dans le cadre des autres dispositions de la Constitution.

Il est fort probable que M. Weber n’a jamais eu l’intention de restreindre inutilement les libertés fondamentales ni de péjorer les conditions de vie des habitants des régions touristiques, alors qu’il poursuivait un but d’aménagement du territoire.

C’est donc par la loi topique (LAT) qu’il convient d’aborder la volonté populaire de mettre un terme aux «constructions envahissantes» des résidences secondaires, ce qu’elle fait d’ailleurs. Son article 8a alinéa 3 dit:

«Les mesures à prendre visent notamment les buts suivants:

a. limiter le nombre de nouvelles résidences secondaires;

b. promouvoir l’hôtellerie et les résidences principales à des prix abordables;

c. améliorer le taux d’occupation des résidences secondaires.»

Il suffit de la compléter par un article 8b stipulant que, dans les communes ayant une proportion de résidences secondaires supérieures à 20%, aucune ne peut être construite sur un terrain jusqu’alors non bâti; que toute nouvelle construction sur une telle parcelle ne peut servir qu’à une résidence principale, ce qui fera l’objet d’une mention au registre foncier pour une durée de 10 ans (par exemple) dès la délivrance du permis d’habiter.

De cette façon, l’utilisation judicieuse et mesurée du sol serait assurée par les règles posées par la LAT, en particulier la densification des surfaces vouées à l’habitat et une meilleure utilisation des friches et des surfaces sous-utilisées (art. 3 al. 3a bis), tant à l’intérieur qu’hors des zones à bâtir. Comme il est d’usage, les détails, définitions et autres précisions trouvent place dans une ordonnance d’application.

La loi du 20 mars 2015 va au-delà du mandat constitutionnel, est gravement liberticide et préjudicie les droits et les conditions de vie des habitants des régions touristiques; son objectif est déjà largement atteint par la LAT dans sa version actuelle. Dès lors, les restrictions qu’elle introduit ne sont pas proportionnées au but visé.

La loi fédérale sur les résidences secondaires est inutile et contribue à engluer les Suisses dans un ensemble excessif de lois paralysantes. Elle mérite largement d’être combattue par un référendum!

Pierre Favrod-Coune, Château d'Oex

La Ligue vaudoise n’a pas la prétention de lancer le référendum appelé par M. Favrod-Coune. Mais elle y apportera son soutien s’il venait à être lancé par les milieux touristiques. (Réd.

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