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Un nouvel hymne national, pour quoi faire?

Jean-Blaise Rochat
La Nation n° 2016 17 avril 2015

La plupart des hymnes nationaux portent la marque d’une esthétique patriotique typée XIXe siècle. Quand on feint de s’en apercevoir, le potentiomètre émotionnel file dans la zone rouge. Tel jeune journaliste radiophonique découvre le texte de l’actuel cantique suisse et le déclare «flippant». Michel Thévoz, dans 24heures, plaide pour le maintien de ce cantique, afin de nous rappeler que «nous avons été nous-même des djihadistes.» Des djihadistes entraînés par «les accents émus d’un cœur pieux»? Quelle blague! D’accord pour nos voisins qui abreuvent depuis plus de deux siècles leurs sillons d’un sang impur. Notre hymne national est démodé, chacun en convient. Est-ce une raison suffisante pour le remplacer ou le modifier. Le Palais fédéral, qui date de la même époque, est lui aussi démodé, et assez laid de surcroît. Qui songe à le raser?

Les hymnes nationaux sont des monuments d’un autre temps qu’il faut conserver tels quels, avec leurs qualités et leurs défauts. Dans ce domaine, les réussites sont rares: la Marseillaise est un puissant chef-d'œuvre, surtout dans l’orchestration de Berlioz. Il est inimaginable de modifier son texte, pourtant discutable, sans porter atteinte à l’ensemble. L’actuel hymne allemand, après quelques avatars, tire son origine du Kaiserhymn, composé par Haydn pour l’empereur («Gott erhalte Franz, den Kaiser, unsern guten Kaiser Franz…») Mais le meilleur, quoique non officiel, plus réussi même que God save the Queen, est Rule Britannia, extrait d’un opéra aux accents haendéliens de Thomas Arne: pour juger de sa popularité, il suffit d’entendre, lors de la dernière nuit des Proms, la foule survoltée chanter à plein poumons «Rule Britannia! Britannia rule the waves. Britons never never never shall be slaves!».

Avant d’entreprendre la rédaction de cet article, j’ai écouté une vingtaine d’hymnes nationaux. La qualité musicale moyenne est généralement voisine de zéro. L’hymne national est un genre musical et littéraire très périlleux. Les six candidatures1 retenues en vue de remplacer notre «brillant réveil» sur les beautés alpestres de notre lumineuse patrie, ont simplement troqué les clichés d’un autre temps contre ceux d’aujourd’hui. La morale pieuse d’autrefois a fait place à d’autres bons sentiments, porteurs de «valeurs» actuelles laïcisées qui se faneront plus vite encore2. Dans les années trente, Montherlant dénonçait la morale de «midinette». Aujourd’hui, ce serait plutôt une morale de «mamy» qui serait à épingler, une morale tranquille, popote, caressante, fade. Quant aux partitions, bridées par les contraintes du genre et le souci du consensus, elles ne brillent pas par leur audace. Alors à quoi bon échanger un cheval borgne contre un autre cheval borgne?

Notes:

1 On peut écouter les versions en quatre langues interprétées par le Chœur suisse des jeunes sur le site www.chymne.ch. Il n’est possible de voter que pour les six versions proposées. Utilisez donc le lien «contact» en bas de page si vous désirez signaler que vous préférez garder l’hymne actuel.

2 Citons, entre autres: Soyons forts et solidaires, que la liberté nous éclaire, ouverts, mais indépendants, pour le bien de nos enfants ou: Saisissons la chance de nos différences, engageons-nous avec ardeur pour que chacun ait part au bonheur ou Mon pays de liberté, idéal d’égalité, vrai berceau de paix de la terre entière.

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