Les «Savoies en Pays de Vaud»: Lausanne dans les mutations du XIIIe siècle

1239, le pape Grégoire IX accepte à contrecœur la démission de l'évêque de Lausanne Boniface. Son départ inattendu plonge la cité et le Pays de Vaud dans l'incertitude. L'élection de son successeur au trône cathédral devient prétexte à une lutte d'influence pour la mainmise sur Lausanne et son arrière-pays sur lequel l'évêque détient la gestion temporelle au nom de l'empereur. Bourgeoisie urbaine naissante, Chapitre de la cathédrale, templiers, Bernois, partisans de Philippe de Savoie ou de Jean de Cossonay, tous tentent de placer leurs pions dans cette partie complexe. Ils ne sont pourtant que des intermédiaires dans une lutte à plus grande échelle entre guelfes et gibelins, entre le pape et un empereur excommunié. Qui fera allégeance à quelle puissance? Qui prendra l'ascendant lors de cette «Guerre de Lausanne»? Pour ne rien arranger, l’enquête d’un artisan et d’un métayer sur le vol d'un reliquaire de la nouvelle cathédrale jette le soupçon sur les protagonistes de ce roman et sert de canevas aux intrigues politiques et religieuses.

Cinquième roman historique de Renaud de Joux sur le Moyen-âge, Les Savoies en Pays de Vaud est une sorte de visite guidée dans la vie quotidienne du peuple des villes et des campagnes, des bourgeois, des corps de métiers et de la vie ecclésiastique et politique de Lausanne et du Pays de Vaud. Au travers d'amples descriptions, l'auteur brosse un portrait du XIII^e siècle et de ses ambiances sans rien omettre de son caractère parfois violent, avec l'alcool, la maladie, l'insalubrité, et ceci sans toutefois tomber dans le travers d'une fresque idéalisée ou au contraire d'une fable «moyenâgeuse». Edité chez Cabédita, l'ouvrage s'appuie sur un travail de recherche d’envergure fournissant un cadre chronologique et des indications géographiques précises permettant de replacer l'histoire vaudoise dans les turpitudes de l'Europe médiévale. Seul bémol, l'utilisation parfois lourde du patois vaudois rend la lecture quelque peu artificielle mais n'enlève néanmoins rien au caractère immersif, coloré et didactique de l'ouvrage. Plus largement, ce roman met en exergue les mutations du XIIIe siècle marqué par la rupture de l'équilibre entre les trois Ordres, la centralisation progressive du pouvoir dans les villes, mais surtout la disparition de la féodalité au profit de nouvelles allégeances.

Comme le sait chaque lecteur de La Nation, Pierre II tirera son épingle du jeu dans cette «Guerre de Lausanne». Il inaugurera trois siècles de domination savoyarde sur le Pays de Vaud par la diplomatie, l'argent, le prestige de sa naissance et le ralliement progressif des seigneurs vaudois. Même si la fin est connue, la lecture des Savoies en Pays de Vaud permet de se divertir en apprenant.