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Le terrorisme ne justifie pas de centralisation

Félicien Monnier
La Nation n° 2173 23 avril 2021

La Ligue vaudoise a soutenu le référendum contre la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT)1 et invite ses lecteurs à la refuser.

Cette réforme autoriserait l’Office fédéral de la police FedPol – soit une autorité administrative – à prononcer à l’encontre de «terroristes potentiels» (art. 23e du projet de MPT) une batterie de mesures au nombre desquelles figure l’obligation de se présenter à des entretiens, une interdiction de contact, de périmètre ou de quitter le territoire, voire une assignation à résidence. Elle précise également que des moyens de surveillance électronique ou de localisation par téléphonie mobile peuvent être mis en place pour surveiller l’exécution des mesures ordonnées.

Pour qu’une telle mesure soit prononcée contre un terroriste potentiel, il faut que soit un canton, soit le Service de renseignements de la Confédération (SRC) en fasse la demande à la Police fédérale. Lorsque la demande émane du SRC, FedPol doit au préalable consulter le canton concerné.

Les partisans du projet soutiennent que cette procédure respecterait le fédéralisme. Qu’une demande de mesure puisse émaner d’un canton serait l’expression du principe de subsidiarité. Cela suffirait à préserver les souverainetés cantonales.

Nous ne partageons pas cet avis. Subsidiarité et fédéralisme ne sont pas synonymes. La question qui compte n’est pas de savoir qui demande à qui, mais qui décide en fin de compte. Un canton simplement autorisé, par une loi fédérale, à solliciter une mesure de la Confédération est doublement diminué: non seulement il perd une compétence de législation dans le domaine concerné, mais encore il perd la compétence de prendre lui-même la mesure qu’il souhaiterait. Il s’agit d’une limitation touchant autant son pouvoir législatif qu’exécutif.

La Faculté de droit de l’Université de Lausanne a explicitement reconnu durant la phase de consultation «que l’activité de la Confédération, dans ce domaine, ne repose sur aucune base constitutionnelle»2. Le projet de MPT n’est donc pas seulement une centralisation maquillée derrière les atours technocratiques de la subsidiarité, mais est – par-dessus le marché – anticonstitutionnel. Le peuple et les cantons n’ont jamais autorisé la Confédération à légiférer en la matière.

Le projet prétend vouloir garantir «l’ordre étatique», en le protégeant des actions destinées à l’influencer et «susceptibles d’être réalisées ou favorisées par des infractions graves ou la menace de telles infractions ou par la propagation de crainte» (art. 23e MPT – Définitions). Mais pour cela, la Confédération aspire une compétence dévolue aux cantons, déséquilibrant un peu plus notre ordre politique confédéral. Celui-ci représente pourtant bien plus que le très formel et abstrait «ordre étatique».

Certains affirmeront que seule la Confédération est à même de prendre de telles mesures antiterroristes et de les appliquer. Cela aussi est faux. En matière de hooliganisme ou de violences conjugales, les cantons, au nombre desquels le nôtre, ont démontré qu’ils pouvaient eux-mêmes mettre en place des dispositifs efficaces – et moins lourds que celui que prévoit le projet de MPT. Les cantons sont en outre déjà responsables, avec succès, de la poursuite pénale et de l’exécution des peines. Même au nom du principe de subsidiarité tel que le comprend le Conseil fédéral, cette centralisation ne serait pas justifiée.

Nous voterons NON.

Notes:

1    Hediger Edouard/Monnier Félicien, «Loi antiterroriste: NON à la centralisation», La Nation n°2163 du 4 décembre 2020.

2                     Loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme: prise de position de l’Université de Lausanne, du 20 mars 2018, p. 6. (https://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/2917/Mesures-policieres-de-lutte-contre-le-terrorisme_Avis.pdf)

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