Gratuité des transports publics: une compétence fédérale?
L’article 81a de la Constitution fédérale, intitulé «Transports publics», déclare:
1 La Confédération et les cantons veillent à ce qu’une offre suffisante de transports publics par rail, route, voie navigable et installations à câbles soit proposée dans toutes les régions du pays. Ce faisant, ils tiennent compte de manière appropriée du fret ferroviaire.
2 Les prix payés par les usagers des transports publics couvrent une part appropriée des coûts.
En s’appuyant sur l’alinéa 2, le Tribunal fédéral (TF) a confirmé, en avril dernier, que les transports publics en Suisse ne peuvent pas être gratuits et qu’une initiative populaire cantonale demandant la gratuité des transports publics doit être déclarée invalide. Il a ainsi donné raison au Conseil d’Etat fribourgeois, dont la décision d’invalider une telle initiative faisait l’objet d’un recours. Il a aussi indirectement donné raison au Conseil d’Etat genevois, qui avait lui aussi invalidé une initiative similaire. Quant au Conseil d’Etat vaudois, qui avait choisi de valider cette demande de l’extrême-gauche, il est revenu sur sa décision au début du mois de juin, afin de se conformer à l’arrêt rendu par le TF.
On peut assurément se réjouir de ce que ces demandes, qui relèvent d’un populisme électoral de bas étage, soient ainsi écartées. La gratuité des transports publics suppose en effet que les conducteurs de bus ou de locomotives, les contrôleurs, les monteurs de voies ou de lignes de contact, les constructeurs de trains et de bus ainsi que de nombreuses autres personnes acceptent de travailler sans être payés, sans oublier les fournisseurs d’énergie qui seraient tenus au bénévolat…
En réalité, le modèle réclamé par l’extrême-gauche consiste à reporter complètement le coût des transports publics sur les contribuables. Selon une statistique fédérale de novembre 2022 (dont nous renonçons à analyser ici la pertinence), les transports publics ont coûté un peu plus de 14 milliards de francs en 2019 (4,2 pour les transports publics routiers et 9,9 pour le transport ferroviaire de personnes). La majeure partie de ces coûts est déjà à la charge de l’Etat, donc des contribuables, les usagers ne payant que 6,2 milliards; et ce sont ces 6,2 milliards de francs que l’alliance rouge-verte voudrait ajouter à la charge des contribuables.
Si l’obligation faite aux usagers de couvrir «une part appropriée des coûts» relève donc de la sagesse même, on est tout de même en droit de se demander, d’un point de vue institutionnel, s’il est souhaitable que tout ce qui est juste et sage finisse par se retrouver dans la Constitution fédérale pour que la Confédération puisse l’imposer à des cantons considérés comme trop bêtes pour faire juste par eux-mêmes. En d’autres termes: en s’exprimant, même de manière sensée, sur l’idée absurde de la gratuité des transports publics, le pouvoir fédéral empiète fâcheusement sur les prérogatives cantonales.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Trop de gymnasiens – Editorial, Félicien Monnier
- La nouvelle péréquation intercommunale vaudoise – Vincent Hort
- Sursis – Daniel Laufer
- Grande matinée à Mézières – Jean-François Cavin
- Trois points de vue sur un acquittement – Olivier Delacrétaz
- Partialité de la RTS – Olivier Delacrétaz
- Société: entre médias et réalité – Benoît de Mestral
- Jeunesse, armée, courage – Jacques Perrin
- Neutralité hybride - Cahier de la Renaissance vaudoise n° 159 – Olivier Klunge
- Chronique sportive – Yves Guignard