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La nouvelle péréquation intercommunale vaudoise

Vincent Hort
La Nation n° 2230 30 juin 2023

Le 30 mars 2023, le Conseil d’Etat, l’Union des Communes vaudoises et l’Association de Communes vaudoises ont annoncé avoir conclu un accord sur une nouvelle péréquation intercommunale. Ce projet de réforme vise à simplifier le système actuel, à rééquilibrer les ressources entre les communes et à réduire leur participation aux dépenses sociales. La consultation court jusqu’au 15 juillet. Cet accord est l’aboutissement d’un long serpent de mer qui a occupé le paysage politique et institutionnel vaudois depuis une quinzaine d’années, générant de vives tensions entre l’Etat et les communes, voire entre les communes elles-mêmes.

Depuis une quinzaine d’années, les comptes de l’Etat présentent un excédent évalué à plus d’un demi-milliard annuellement et dépassent systématiquement les prévisions budgétaires. Ce bénéfice du ménage cantonal a permis de rembourser la dette, d’assainir les finances cantonales et de financer toute une série de tâches publiques et d’investissements. Néanmoins, cet excédent présente un caractère structurel qui a fait naître des revendications en faveur d’un rééquilibrage, notamment de la part des communes, qui subissent un report de charges sur lesquelles elles n’ont que peu de prise, et des personnes physiques soumises à une fiscalité particulièrement lourde en comparaison intercantonale.

Pour les communes, ce sont surtout la facture sociale et la nouvelle organisation policière qui chargent leur budget et mettent, pour beaucoup, leurs finances et leur autonomie sous pression. En outre, certaines politiques publiques dans le domaine scolaire, de l’accueil de jour ou du traitement des déchets, par exemple, ont également conduit à alourdir les dépenses des communes. Ce déséquilibre financier a créé de fortes tensions entre le Canton et les communes, et généré de nombreuses interventions au Grand Conseil ainsi que le lancement de l’initiative «SOS Communes» qui a abouti en juin 2021. Celle-ci prévoit notamment la reprise par le Canton de la totalité de la facture sociale, moyennant une bascule de 15 points d’impôt.

Conscient que cette situation de déséquilibre entre les niveaux institutionnels doit être corrigée, le Conseil d’Etat a lancé des pourparlers avec les associations de communes. Comme premier fruit de ces discussions, un accord financier a été trouvé en août 2020 pour un rééquilibrage de 150 millions de francs par an en faveur des communes dès 2028. Ce premier accord ne traitant pas des défauts méthodologiques du système de péréquation lui-même, les discussions se sont poursuivies jusqu’à l’annonce de l’accord du 30 mars 2023 sur la Nouvelle péréquation intercommunale vaudoise qui constitue en même temps le contre-projet à l’initiative «SOS Communes».

L’accord trouvé prévoit notamment les mesures suivantes:

•  La répartition de la facture sociale et de la facture policière se fera à l’avenir en fonction du critère de la population et non plus en fonction de la capacité financière des communes.

•  La facture policière sera désormais répartie à raison de 35% pour les communes et 65% pour l’Etat.

•  Dès 2026, le Canton prendra en charge 83% des augmentations de la facture sociale.

•  Les besoins structurels des communes seront pris en considération sur la base de critères objectifs comme la surface, l’altitude et la déclivité, ainsi que le nombre d’élèves.

•  Enfin, une péréquation des ressources sera basée sur des facteurs plus transparents et avec une échelle plus resserrée évitant une trop grande disparité entre les communes.

Ces mesures vont évidemment avoir un effet sur l’ensemble des communes, avec des perdants et des gagnants. En passant du critère de la capacité financière à celui de la population, on comprend, par exemple, que la facture des petites communes sera allégée, et inversement. Selon les projections, 230 communes profiteront du nouveau système tandis que 70 seront plus ou moins désavantagées. Afin de faciliter l’acceptation de l’accord, l’Etat a introduit dans le texte une mesure de compensation des effets financiers négatifs pour les communes perdantes. Cette mesure sera dégressive, de 100% de compensation en 2025 jusqu’à 0% de compensation dès 2030, ce qui a l’avantage de laisser à ces communes le temps de s’adapter. Le coût de ce geste financier est évalué à dix millions de francs pour le Canton en 2025. Plus significatif, le rééquilibrage financier conclu en 2020 sera amplifié et accéléré pour atteindre son plein effet en 2025 déjà.

L’accord a été bien accueilli par les partis politiques et les médias. Au-delà des aspects hautement techniques de la réforme, on peut se réjouir qu’un compromis ait été trouvé entre le Canton et les communes car il n’était pas sain que des tensions perdurent entre ces deux niveaux institutionnels. En soi, l’existence de cet accord est donc une bonne chose pour la cohésion du Pays. Il est juste aussi que l’Etat, qui a profité depuis une quinzaine d’année d’un excédent structurel, en rétrocède une partie aux communes qui ont, directement ou indirectement, participé à la bonne santé financière retrouvée du Canton. A ce stade, il est prématuré de dire si le nouveau système sera plus juste que l’ancien, mais les bases retenues par la nouvelle péréquation intercommunale vaudoise sont sans doute plus objectives et plus transparentes qu’auparavant.

D’autres défis attendent encore les finances cantonales. Parmi ceux-ci, il y a la réponse que l’Etat entend apporter à l’initiative «Baisse d’impôts pour tous» et à la demande d’allègement de la charge fiscale pesant sur les contribuables. Cette question est plus fortement marquée par un clivage idéologique et les compromis seront certainement plus difficiles à bâtir ici que pour la péréquation intercommunale. Plus globalement, la prospérité du Canton s’est accompagnée ces quinze dernières années d’une forte croissance des charges cantonales qui pose la question du financement du ménage public et de sa stabilité si les conditions conjoncturelles venaient à se dégrader. Cet aspect demeure un sujet de préoccupation constant et l’abondance actuelle des ressources ne doit pas conduire à relâcher la nécessaire prudence budgétaire, ni à étendre toujours plus les domaines d’intervention de l’Etat.

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