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Société: entre médias et réalité

Benoît de Mestral
La Nation n° 2230 30 juin 2023

Le groupe Tamedia a commandé au mois de mars une enquête sur les «évolutions sociétales» en Suisse, pour laquelle les réponses de plus de trente mille personnes ont été recueillies. Cette enquête portait sur cinq thèmes: les problèmes les plus urgents, le langage dit inclusif, les termes dits problématiques, des questions sur l’égalité des sexes ainsi que sur certaines «évolutions sociétales» liées au sexe, et la «culture du débat». Les grands médias n’en ont que peu traité, et le rapport complet de l’institut LeeWas a tardé à être publié; puisque c’est maintenant fait, arrêtons-nous sur quelques révélations laissées de côté.

La presse l’a relayé: seulement 13% de la population trouve que le débat sur l’écriture dite inclusive est réellement important. Ce taux moyen est une représentation très simplifiée de la réalité, qui est très hétérogène. Ainsi ce taux atteint 19% en ville, et seulement 9% à la campagne, 29% chez les jeunes femmes, et seulement 11% chez les retraitées, 19% chez les universitaires, et seulement 8% chez les personnes au bénéfice d’une formation professionnelle supérieure.

Les divisions politiques sont naturellement plus marquées que les divisions démographiques, et si l’on s’attend aux 2-5% chez les électeurs de droite, il est plus surprenant de voir que moins d’un tiers de l’électorat des verts et des socialistes considère ce débat réellement important, et seulement 10% des verts-libéraux. Les nombres sur l’utilisation effective du langage dit inclusif sont encore plus bas, et l’on remarque avec surprise que si 13% de nos confédérés alémaniques y font attention, c’est le cas de seulement 6% des romands. L’étude semble démontrer au-delà du doute que l’écriture dite inclusive est une fausse problématique, portée uniquement par quelques politiciens et universitaires, et qui n’a pas le soutien de la majorité des femmes, ni même de la majorité des électeurs de gauche.

S’agissant des termes dits problématiques, l’étude démontre que, s’il y a toujours une part de la population dont la parole est libre, une part importante des Suisses se censurent quand il s’agit de certains mots; ainsi pour «rom», 53% de la population ne l’utilise pas, ou pas avec tout le monde; idem pour «tête de nègre» (48%) ou «yougo» (63%) par exemple. Sur tous les mots étudiés, l’autocensure est beaucoup plus fréquente chez les femmes. Il existe également d’importantes différences selon la langue: «Mohrenkopf» est considérablement moins censuré que son équivalent francophone. A l’inverse, presque deux tiers des Alémaniques évitent de dire «Fräulein» alors que «mademoiselle» et «signorina» ne posent absolument aucun problème pour la moitié des francophones et italophones.

Sur les questions liées à l’égalité des sexes (ou en réalité à toutes les questions liées à la politique du genre), on constate que la nouvelle possibilité de changer de sexe à l’état civil divise la population exactement par moitiés, avec une nette différence entre les femmes (favorables à 58%) et les hommes (39%), ainsi qu’entre les personnes religieuses (31%) ou non (53%). L’idée d’un troisième genre n’a le soutien que de 31% de la population, avec les mêmes écarts. De même, seuls 23% des sondés sont favorables à l’existence de postes de «responsable de la diversité», 33% à la «discrimination positive» à qualifications égales, 35% aux quotas pour les cadres d’entreprises.

Nous le supposions depuis longtemps, ce sondage le confirme: les questions de société progressistes qui occupent chaque jour nos journaux et nos télévisions n’intéressent pas les Suisses, que préoccupent en premier lieu les coûts de la santé, les retraites, le climat et la migration. Non seulement ce constat est maintenant appuyé par des données sérieuses, il est en outre partagé par l’immense majorité de la population: 66% des sondés considèrent que des minorités aux opinions extrêmes dictent le débat public ou y jouent un rôle dominant.

Plus grave encore que le constant mésusage de fonds publics par la SSR pour porter ces sujets, on constate que le débat public libre et ouvert, qui permet la stabilité et la cohésion de la société, est sérieusement en danger. En effet, 38% des sondés ne se sentent pas libres de s’exprimer en public sur leurs opinions politiques. Ce ressenti existe plus fortement à droite et au centre (52% des électeurs UDC, 36% PLR, 37% Centre), mais ne peut pas être négligé à gauche non plus: 25% des électeurs socialistes et 21% de ceux des Verts n’osent pas s’exprimer librement. Il n’existe pas de disproportion manifeste entre hommes et femmes, jeunes et moins jeunes (à l’exception des retraités), urbains et ruraux, employés de commerces ou universitaires, croyants ou athées. Partout en Suisse, deux personnes sur cinq n’osent pas exprimer leurs opinions politiques en public.

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