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Jacques Perrin
La Nation n° 2258 26 juillet 2024

Avec l’aide du philosophe Roger Pouivet, nous avons distingué diverses conceptions de la religion et de la foi chrétiennes.

La foi est d’abord une grâce, un don de Dieu, qu’on peut refuser. Elle est aussi une vertu qui se travaille, et confiance en une personne parfaitement humaine et parfaitement divine: Jésus-Christ.

Beaucoup d’Occidentaux sont indifférents à la religion et à la foi parce qu’ils ignorent de quoi il s’agit. Rien ne leur a été transmis en ce domaine.

Aux yeux de certains intellectuels, religion et foi sont des objets d’étude historique, sociologique, psychologique ou linguistique. Elles sont des illusions explicables par des causes naturelles.

Pour les apprentis croyants, il existe différentes manières d’accéder à la religion chrétienne et à la foi.

Par les prophètes et l’Evangile, la Bible enseigne ce qu’il faut croire et faire. Le Credo de Nicée-Constantinople, fondé sur la Révélation, rassemble les croyances que tout chrétien professe: Je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant…

Religion et foi peuvent résulter en partie de connaissances métaphysiques.

Elles se manifestent aussi dans un genre de vie, une manière de se comporter, des habitudes, des rites, des prières, une liturgie.

Pour certains, elles sont liées à des expériences, parfois mystiques et à des émotions.

La religion unit les personnes dans une communauté ecclésiale, par un langage particulier. Elle imprègne la vie des cités terrestres, elle a des implications politiques.

Pour devenir croyant, on emprunte parfois plusieurs de ces chemins. Tel est le cas de Jon Fosse, prix Nobel de littérature 2023 (La Nation n° 2257 du 12 juillet).

Nous lui laissons la parole à l’aide de citations parfois remaniées:

Pour en venir à la foi elle-même, la connaissance, ce que je sais, est d’une importance cruciale.

Dieu est un être absolu, l’être même, dit saint Thomas d’Aquin, le plus grand des théologiens. Je trouve que c’est bien pensé, – et dans ce cas la réponse à la question sur ce qu’est l’être, c’est-à-dire le sens de la vie qu’Heidegger n’a jamais trouvé – est tout simplement Dieu. Heidegger posait une question pour justifier une réponse déjà donnée. Pour moi, sa philosophie pose les fondements de la foi. Il a étudié la théologie avant de se tourner vers la philosophie. Son père était bedeau.

La beauté, la vérité et la qualité – et donc aussi la hiérarchie, car il existe par exemple une différence entre la bonne et la mauvaise littérature – sont des expériences et des concepts évidents.

S’agissant de l’œuvre rédemptrice du Christ, je ne peux que faire un choix. Même si je ne peux pas l’accepter, même si je ne peux pas la comprendre, je peux choisir d’y croire. Ce qui est merveilleux, c’est que lorsque j’ai choisi d’y croire pour la première fois, je me suis rendu compte que c’était vrai. On dit que la foi est une grâce, un don. Cela semble être le cas. Si vous ne croyez pas en Jésus-Christ comme Rédempteur, vous n’êtes pas chrétien.

Je suis convaincu que la doctrine de la prédestination est fausse et que le libre-arbitre existe. Le bien existe. Le mal existe. Le choix existe.

J’ai plus d’affinité avec l’ancien idéal masculin où le sentiment ne doit pas être quelque chose dont on parle. Regardez plutôt autour de vous, regardez la montagne, le ciel, les étoiles, et demandez-vous ce qu’est tout cela et pourquoi ça existe.

Je n’ai jamais été membre d’aucun parti.

Ne me qualifiez pas de socialiste chrétien. C’est un des noms les plus poisseux que je connaisse. Je suis d’accord avec le Parti du Progrès1 sur plusieurs points. Je dois aussi ajouter cela.

Je suis très prudent dans mon emploi de mots tels que Dieu, Jésus-Christ, l’Esprit Saint. J’ai une grande pudeur sur ce plan, du respect. Je préfère dire ces mots à la messe avec d’autres, ou quand je récite mes vieilles prières habituelles, comme le Notre Père.

La souffrance et le désespoir m’ont mené à la foi. Il y a du vrai dans le mythe que pour être un bon artiste, il faut souffrir, ou du moins avoir souffert. Vous devez avoir été purifié par la souffrance. C’est la même chose pour arriver à la foi.

J’ai intégré mon culte dans la vie quotidienne : je prie, je vais à la messe. Ma foi a désormais un lien institutionnel. Je me tourne vers les vieux symboles, la Croix, et je récite les prières anciennes, le Credo et le Notre Père. Ces formulations vous élèvent.

Je crois que pour bien des gens, Bach est un meilleur cheminement vers Dieu que toutes les prédications imaginables.

C’est un acte de rébellion dans la société norvégienne, et dans les milieux culturels européens, de se convertir au catholicisme et de se qualifier comme chrétien. Il me semble n’avoir rien fait de plus rebelle contre le matérialisme socio-technologique, corporel et sexuel, anti-spirituel et positiviste.

Je ne me suis jamais senti à ma place au sein de l’Eglise d’Etat. Jamais. Quand je sortais d’un culte protestant, j’avais l’impression qu’on avait tenté de me retirer le peu de foi que j’avais. En se laissant ballotter au gré des vents, les Eglises protestantes se sont abolies elles-mêmes.

Maintenant que je suis devenu catholique, je peux, dans le vrai sens du terme, être tolérant. C’est évidemment une bonne et une mauvaise chose que l’Eglise catholique soit aussi liée à la tradition, mais j’y vois plus une force qu’une faiblesse. La tradition entretient la foi. J’aime à penser à une tradition ininterrompue qui remonte à Pierre, le roc.

Je perds la foi chaque jour et chaque jour je la regagne.

A méditer.

Notes:

1   Equivalent de l’UDC en Norvège.

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