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Dénatalité

Jean-François Cavin
La Nation n° 2259 9 août 2024

La procréation est dans l’ordre de la nature. Mais l’humanité s’éloigne de la nature et, dans les pays dits développés, la reproduction de l’espèce s’essouffle. On y est tombé bien au-dessous du nombre de naissances qui permet le renouvellement de la population en quantité égale.

Est-ce un bien, est-ce un mal? Pour ceux qui jugent que la Terre s’épuise à alimenter en énergie et en nourriture une population devenue excessive, le ralentissement de l’augmentation démographique, voire l’inversion de la courbe envisagée pour la fin du siècle, est une condition du salut de notre espèce. Pour d’autres, plus optimistes, qui croient en l’ingéniosité des hommes aptes à dominer le monde, la fin de la croissance apparaît comme une abdication. Et celui qui croit encore aux mérites de l’Européen blanc craint l’invasion des gens de couleur. En Suisse, ceux qui se plaignent de la surpopulation, du surbétonnage, de la surexploitation des terres veulent éviter que le pays compte dix millions d’habitants. Ceux qui considèrent les besoins de l’économie et des assurances sociales, et l’essor du pays tout simplement, comptent sur l’immigration pour compenser le trop faible apport de sang neuf autochtone.

Si l’on souhaite le renouvellement de l’espèce humaine, et de l’espèce européenne en particulier, que faire? D’aucuns proclament que les pouvoirs publics doivent empoigner le problème en soutenant les familles par des cadeaux substantiels à la naissance, par des congés parentaux généreux, par des allocations copieuses. Les Etats qui ont suivi cette voie ne parviennent pourtant pas à des résultats spectaculaires. En Scandinavie, le taux de fécondité de la Finlande est de 1,4, comme en Suisse; celui de la Suède et de la Norvège, pas beaucoup meilleur, de 1,7 environ. Il faudrait 2,1 (nombre d’enfants par femme en âge de procréer) pour maintenir le chiffre de la population, migrations non comprises.

A quoi tient donc la dénatalité? Ce n’est pas la pauvreté qui détourne les couples d’avoir des enfants; les pays d’Afrique centrale, au taux de fécondité encore élevé, sont souvent dans la misère; à l’inverse, Singapour la richissime est en queue du classement mondial avec un taux de fécondité de 1 environ. On se tournerait en vain vers les traditions religieuses; en Europe, l’Italie et l’Espagne, où la présence catholique fut déterminante, figurent en bas du tableau avec des taux de 1,25 et 1,19; en Suisse, les cantons catholiques ou réformés ne présentent pas de différence générale notable. Un ensemble de causes explique plus ou moins le déficit des naissances. La pilule, bien sûr, permet efficacement d’agir à sa guise. Les femmes tendent à privilégier leur carrière face à la maternité. Le confort individualiste l’emporte sur le sens communautaire qui aime à voir les volées se succéder. Et pour certains, le monde est devenu si hostile qu’il serait dommage de confronter un nouveau-né à tant de haine et de périls. Finalement, la haute consigne du «Croissez et multipliez» est remplacée par le constat désabusé du «No future».

Si l’humanité perd foi en elle-même, c’est le pire des poisons. Les pays qui se laissent affaiblir par cette débandade morale seront la proie de ceux qui, moins sensibles et plus brutaux, ne pensent qu’à s’imposer par la force ou par leur suprématie démographique. Sans imaginer un retour général aux familles de huit enfants (dont quelques-uns mouraient à l’âge tendre), persuadons-nous qu’il faut perpétuer la vie. Les mesures pratiques et financières ne feront pas grand-chose pour redresser la courbe. Il convient surtout de restaurer la confiance.

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