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Droit de vote des étrangers: du pouvoir et de son exercice

Raphaël Franzi
La Nation n° 2259 9 août 2024

Dans une précédente contribution, nous évoquions, non sans malice, le retour du suffrage censitaire comme conséquence de l’initiative visant à accorder le droit de vote aux résidents étrangers domiciliés en Suisse depuis dix ans et depuis trois ans au moins dans le Canton (La Nation, No 2232, 28 juillet 2023). De la première salve d’initiatives lancée par le mouvement Agissons ! – dont le but est «d’imposer (sic) des changements radicaux dans notre société»1 – elle est à ce jour la seule à avoir abouti.

A l’appui de son projet, Agissons! prétend que la jouissance des droits politiques par les étrangers permettra, d’une part, de renforcer la souveraineté populaire et, d’autre part, d’entraîner une «prise de décisions plus sensées pour le plus grand nombre»2.

Ce dernier effet attendu relève d’une confusion manifeste entre l’efficacité d’une proposition et l’adhésion générale à celle-ci. En effet, l’efficacité d’une décision ne se mesure qu’à l’aune de la réalisation de l’objectif qu’elle se fixe, ceci indépendamment de celui qui la rend. A cet égard, on peut aisément affirmer qu’il n’existe aucun lien entre la quantité de personnes chargées de rendre une décision et les bénéfices supposés de celle-ci. La quantité n’est pas un gage de qualité et ne le sera jamais. Bien plutôt, la problématique de la quantité soulève celle du poids de la responsabilité, laquelle est soit endossée par la multitude, soit assumée par un groupe plus restreint. Dans le premier cas, la responsabilité tend à disparaître, noyée dans la masse. Dans l’autre, elle devient grave, lourde et surtout reprochable.

Dès lors que la quantité est dépourvue d’effet, «la prise de décisions plus sensées pour le plus grand nombre» n’est qu’une illusion, au mieux une candide espérance.

S’agissant de la souveraineté populaire et de son prétendu renforcement, on observe que le mouvement Agissons ! méconnait le caractère indissociable qui doit exister entre la légitimité de l’exercice d’un pouvoir et l’appartenance à la communauté qui l’exerce ou sur laquelle il s’exerce. Or, la légitimité ne se déclare ni ne se décrète. Au contraire, elle se transmet par naissance ou par reconnaissance. Il en va de même de l’appartenance à la communauté, qu’elle soit familiale, corporative, universitaire ou nationale. Ainsi, on appartient à sa famille par naissance, à un corps de métier par reconnaissance des pairs et à la nation par l’une ou l’autre.

Par conséquent, faire des résidents étrangers des citoyens comme les autres in abstracto – soit sans chemin initiatique et sans processus de reconnaissance – ôte au souverain son droit et sa responsabilité de reconnaître comme étant siens ceux qu’il en juge dignes. Dans cette mesure, la souveraineté populaire ne saurait être renforcée. Bien au contraire, elle se retrouve amputée et donc affaiblie.

Nous croyons aux bienfaits des rites et des épreuves. Ils nous changent et ils nous élèvent. Dès lors, en matière de droits politiques, on ne peut prétendre accéder à cette petite part de souveraineté qu’à l’issue d’un parcours initiatique, couronné par la reconnaissance des siens. Nous nous opposerons à ce projet.

Notes:

1      Agissons - A propos (agissons-ch.org).

2   Ibidem.

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