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Fièvre fédéraliste en Valais

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1963 22 mars 2013

Le peuple suisse ayant accepté la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire, le Valais a été pris d’une violente démangeaison souverainiste. En quelques jours, cinq mille personnes ont adhéré à l’association «Sauvons la Suisse, sauvons le fédéralisme!» Présidée par M. Dominique Sierro, l’association demande que le Valais consacre à la défense du fédéralisme les douze millions prévus pour fêter son entrée dans la Confédération. Elle en appelle aussi aux conseillers d’Etat valaisans pour qu’ils ne démantèlent aucune zone à bâtir sans l’accord des communes concernées. Dans la foulée, des loustics ont édité un passeport valaisan.

Les Vaudois ayant moins bien voté que les Valaisans, nous ne sommes pas en position de donner des conseils. Les remarques ci-dessous n’ont d’autre but que d’entamer un débat nécessaire avec la nouvelle association, les Valaisans et les fédéralistes en général.

La Suisse centralise en permanence. Il y a à cela toutes sortes de motifs, dont le premier est le déséquilibre centripète propre à la structure de l’Etat fédératif. Ajoutons-y l’utilitarisme à courte vue de tout un chacun, l’internationalisme socialiste ainsi que le mondialisme libéral. Et finissons par la paresse d’esprit et la peur des responsabilités.

De l’avis du monde officiel et des médias, la centralisation est bonne en soi. Quand le peuple refuse des lois centralisatrices, c’est que les gentils ne lui ont pas assez bien expliqué ou que les méchants l’ont embobiné.

Car le fédéralisme est toujours suspect de camoufler mille intérêts égoïstes, mille blocages psychiques, mille conceptions politiques surannées.

Cela signifie pour le fédéraliste qu’il doit à chaque occasion surabonder en démonstrations précises et arguments détaillés, tandis que le centralisateur peut se contenter d’aligner ses platitudes ordinaires et ses contrevérités.

Cela signifie aussi que si la LAT avait été rejetée, l’administration fédérale n’y aurait vu qu’un coup de frein regrettable, en aucun cas la nécessité de changer de politique. Elle aurait simplement remis l’ouvrage sur le métier. Le fédéralisme peut gagner des batailles, mais la guerre contre la centralisation ne s’arrête jamais.

Le fédéralisme n’est pas une abstraction. C’est la défense très concrète de ces réalités politiques que sont les Etats cantonaux. Plus précisément c’est la défense de chaque Etat cantonal, avec sa compétence originelle, son autonomie législative et sa différence spécifique.

L’intitulé de l’association de M. Sierro rappelle un point capital et généralement négligé: en défendant les cantons contre la volonté invasive de l’administration fédérale, les fédéralistes défendent aussi la Confédération suisse. Ils la défendent contre la progression stérilisante d’un pouvoir mécanique en voie d’engorgement.

Insistons aussi sur ce fait: le fédéralisme n’est pas un moyen d’action parmi d’autres, auquel on recourt quand on prévoit que le Canton votera mieux que la Confédération. On ne peut être fédéraliste sur un ou deux points et centralisateur ou indifférent à la centralisation pour le reste. Le fédéralisme, c’est l’expression générale et permanente de l’existence des Etats cantonaux souverains.

La Conférence des gouvernements cantonaux est née en 1992. Il s’agissait de faire mieux valoir, face à l’administration, les intérêts des cantons dans les décisions fédérales1. La Conférence reprenait ainsi une tâche de représentation que l’improprement surnommée «Chambre des cantons» n’assumait plus. La Conférence a notamment lancé et fait aboutir, sur une question fiscale, le premier référendum des cantons de l’histoire.

La faiblesse de ce «Conseil des Etats bis» est qu’il considère lui aussi les cantons suisses comme un tout homogène. Il ne tient aucun compte des différences, territoriales, démographiques, juridiques, psychologiques, des cantons. Cette approche unitaire que la Conférence partage avec les Chambres a pour conséquence que la capacité d’autonomie «des» cantons est jugée en fonction de celle du moins autonome d’entre eux. L’insuffisance d’un seul canton sur un point justifie, sur ce point, l’intervention fédérale dans tous les cantons. C’est un lourd facteur de centralisation.

Il manque à l’organisation institutionnelle de la Suisse un principe de différenciation qui ferait droit aux particularités cantonales à l’intérieur même du droit fédéral.

La Ligue vaudoise conserve dans ses cartons un projet de procédure visant à rétrocéder telle compétence ou partie de compétence fédérale à un canton qui en ferait la demande. On en trouve le texte et les commentaires sur notre site2. Il serait peut-être temps d’en reparler.

Il serait temps aussi que chaque canton désireux de préserver son autonomie mette sur pied, librement et à sa manière, sa propre représentation diplomatique auprès des autres Etats cantonaux. Cela lui permettrait de faire valoir ses intérêts propres… et parfois les intérêts qu’il aurait en commun avec quelques autres.

D’anciens conseillers d’Etat trouveraient dans cette diplomatie intercantonale l’occasion de rendre à leur canton un service correspondant à leur expérience et à leur dignité.

Notes:

1 www.kdk.ch/int/kdk/fr/kdk.html (!)

2 www.ligue-vaudoise.ch/dossiers

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