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Séminaire 2013 de la Ligue vaudoise: l’obligation de servir

Lionel Hort
La Nation n° 1963 22 mars 2013

Après la première soirée consacrée aux raisons permanentes qui fondent l’armée suisse et à son organisation de milice actuelle, le Séminaire de la Ligue vaudoise s’est poursuivi par une réflexion sur l’obligation de servir. A cet égard, il est paru intéressant de tirer les enseignements de l’expérience française, notre grand voisin ayant choisi de renoncer à la conscription en 1996. Se référant spécifiquement au cas français, le général de corps d’armée Robert Augier de Crémiers s’est exprimé sur les origines, la mise en œuvre et les conséquences du passage à une armée professionnelle.

Depuis longtemps, mais en tout cas depuis Mai 68, la France vit dans un climat antimilitariste et pacifiste latent, régulièrement alimenté par la réticence des appelés et de leur famille envers les dix mois d’instruction militaire. A l’issue de la Guerre froide, les missions de l’armée française se sont progressivement réorientées de la défense du territoire national vers des interventions outre-mer toujours plus nombreuses. Or le risque que pouvaient courir les appelés sur un champ de bataille est apparu toujours plus intolérable à l’opinion publique et, par voie de conséquence, au gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite. En tant que force de projection, l’armée française se trouvait de facto gênée par la présence d’appelés qui se retrouvaient dès lors cantonnés dans des tâches de logistique souvent sans grand intérêt.

Par conséquent, le président Chirac a décidé en 1996 la «suspension» de la conscription et la professionnalisation de l’armée française. Pour le général Augier de Crémiers, cette professionnalisation n’a pas que des inconvénients. Elle ne coûte pas vraiment plus cher qu’une armée d’appelés, car elle a considérablement réduit sa taille, l’infanterie française ayant par exemple un effectif pratiquement identique à l’armée suisse. Cela s’est aussi accompagné d’une amélioration notable de la qualité de ses combattants et de ses capacités d’intervention, notamment grâce au salaire et à la motivation issue du caractère volontaire de l’engagement militaire. Le dernier avantage mentionné fut que l’armée française est non seulement stratégiquement, mais surtout politiquement plus facile à déployer, la mort au combat d’un soldat volontaire étant mieux acceptée que celle d’un jeune homme tout juste sorti du lycée.

Mais le général Augier de Crémiers remarque que, malgré les avantages de la professionnalisation de l’armée française, la fin du service national a plutôt affaibli la nation. Elle a coupé un lien qui existait entre l’armée et la population, ce qui se remarque aujourd’hui par une morne indifférence à l’égard de l’institution militaire et des questions de défense. En outre, la possibilité de transmettre certaines valeurs et expériences lors du service militaire a été perdue.

En conclusion, le général a tenu à souligner le caractère irréversible de la «suspension» de la conscription. Car, en théorie, le service national pourrait être réintroduit. Mais l’équipement et les infrastructures militaires ont été considérablement réduits et la capacité d’encadrement ne permettrait plus aujourd’hui de former et de conduire une nouvelle génération d’appelés.

Après l’exposé de la situation française, il est revenu à M. Félicien Monnier, juriste et lieutenant d’infanterie, d’analyser les conséquences qu’aurait pour la Suisse la suppression de l’obligation de servir si l’initiative du Groupement pour une Suisse sans armée (GSSA) venait à être acceptée. Prolongeant les exposés de la première soirée, l’orateur a affirmé que l’armée de milice constitue la seule forme d’organisation militaire possible pour la Confédération et la mieux adaptée aux réalités helvétiques. D’un point de vue financier et quantitatif, c’est seulement ainsi qu’il y aura suffisamment d’hommes pour défendre les frontières externes du pays. De même, la milice représente les différentes couches sociales et linguistiques de Suisse. L’organisation milicienne de l’armée, en tant que tâche régalienne de Berne, permet un brassage des langues et des milieux de toute la Suisse. Cette dernière étant parcourue par plusieurs frontières, qu’elles soient historiques et cantonales, sociales, linguistiques ou confessionnelles, ce brassage permet d’atténuer les éventuelles tensions induites par ces frontières.

En second lieu, M. Monnier a insisté sur l’impossibilité consubstantielle d’avoir une armée professionnelle, en raison des coûts et de son incompatibilité stratégique. Comme l’a montré l’exemple français, le coût d’une armée professionnelle est exorbitant. Il faudrait doubler ou tripler le budget militaire de la Confédération pour un effectif de professionnels maintenu à 100000 hommes. Vu différemment, le budget actuel ne suffirait qu’à l’entretien de 30000 professionnels. Mais même ce dernier chiffre est difficile à garantir si l’on envisage qu’il est doit être atteint par le volontariat. Félicien Monnier a ainsi montré que la seule organisation militaire valable en Suisse était milicienne, et que la seule alternative, l’armée professionnelle, n’est pas supportable pour les finances fédérales.

Pour conclure, le lieutenant Monnier a chaussé son képi de président du comité d’organisation de la campagne contre l’initiative du GSSA, et a lancé un vibrant appel à la mobilisation de toutes les énergies pour mener cette action politique en terres vaudoises.

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