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Suivez le guide- Du château à la cathédrale

Ernest Jomini
La Nation n° 1963 22 mars 2013

Nous sommes sur l’esplanade du château face au bâtiment du Grand Conseil. Le premier gouvernement vaudois de 1803 ne traînait ni dans la décision, ni dans l’exécution. Le 14 avril 1803, le Canton de Vaud devint un Etat souverain de la Confédération et en 1805 déjà on inaugurait le bâtiment où siégerait le Grand Conseil; son architecte: le célèbre Alexandre Perregaux. Quelle rapidité si on la compare au temps qu’on met aujourd’hui pour reconstruire le bâtiment auquel de dangereux crétins ont mis le feu il y a une dizaine d’années!

Etonnant gouvernement vaudois de 1803: le meilleur que le Canton ait eu en deux cent-dix ans. Mise en place d’une nouvelle structure politique et judiciaire, élaboration rapide d’un droit civil et pénal, résolution du problème difficile de la liquidation des droits féodaux qui avait suscité en 1802 la révolte des Bourla-Papeys: on ne peut qu’admirer les trois hommes politiques qui en ont été les moteurs et dont tous les Vaudois devraient connaître les noms: Henri Monod, Jules Muret et Auguste Pidou.

Mais ce gouvernement se révélera encore plus remarquable entre 1813 et 1815, lors de la chute de napoléon. Le Congrès de Vienne avait admis que l’Europe devait retrouver la situation politique existant avant la Révolution française. Les Bernois avaient vite compris le message et entendaient bien redevenir les maîtres du Pays de Vaud. Grâce à leur fermeté politique, leur habileté diplomatique et leur détermination même sur le plan militaire les «Pères de la Patrie» ont réussi à sauver l’indépendance vaudoise. Il est vrai que, dans les premières années de son existence et jusque vers 1840, les partis politiques n’existaient pas, ce qui facilitait grandement la réalisation d’une politique gouvernementale cohérente.

Revenons au bâtiment du Grand Conseil dont les colonnes et le fronton triangulaire sont typiques du goût de l’époque pour l’Antiquité. A l’intérieur le mobilier d’origine dans l’hémicycle était de style napoléonien. Il y a une dizaine d’années, les bâtiments officiels étaient encore ouverts – heureux temps! – et on pouvait donc entrer librement dans ce haut lieu parlementaire.

Un samedi matin, nous nous trouvions sur l’esplanade du château avec une section de l’Ecole de recrues d’artillerie de Bière venue visiter la Cité et la cathédrale. Nous pénétrons donc avec ces jeunes gens dans le sanctuaire du parlementarisme vaudois. Immédiatement une question surgit: comment est-il possible de placer cent cinquante députés dans une salle construite pour cent personnes? Nous expliquons qu’on rajoute des chaises et que d’ailleurs tous les députés ne sont pas toujours tous présents. De nombreux conciliabules se tiennent dans les couloirs, voire à la buvette, pendant que la séance officielle se poursuit. Nos affirmations surprennent et scandalisent même ces jeunes gens encore imprégnés par l’image du parlement qu’on leur a inculquée dans les cours d’instruction civique. Prenant la défense de nos députés, nous trouvons des excuses à leur manque d’assiduité: les séances sont longues, il leur faut subir beaucoup de redites, tout ça est souvent fort ennuyeux.

C’est alors qu’un jeune caporal nous interrompt: «non, tout au contraire, c’est passionnant!» Comprenant que nous avons affaire à un député, probablement le plus jeune du Grand Conseil, nous lui donnons immédiatement la parole pour expliquer à ses camarades tous les charmes et l’intérêt de la vie d’un parlementaire. Le jeune député d’alors a maintenant quelques années de plus; mais son enthousiasme parlementaire paraît intact: il est aujourd’hui conseiller national.

Nos successeurs guides pourront peut-être dans quelques années visiter le nouveau bâtiment issu du projet appelé Rosebud. Ce nom étrange nous fait inévitablement penser à une célèbre série policière américaine. Le criminel a dressé deux dobermans à bondir au cou de la victime désignée dès que le terme «Rosebud» est prononcé. Heureusement le lieutenant Colombo a déjoué le plan du meurtrier et met fin à son funeste dessein. Bizarre quand même que l’Etat de Vaud – officiellement de langue française – ait utilisé ce terme pour son nouveau parlement!

En route maintenant pour la cathédrale. Nous y allons en descendant la rue de la Cité-derrière, remarquant au passage les volets verts et blancs de la maison qui fût durant trois cent ans la cure de la cathédrale. Au bas de la rue, nous faisons quelques mètres vers la gauche et découvrons la maison Porta, la plus ancienne de Lausanne encore habitée, avec une loggia décorant sa façade. C’est ici que résida, dit-on, à la fin du XIVe siècle l’évêque Guy de Prangins.

De beaux jardins en paliers surplombant la vallée du Flon se trouvent maintenant devant les maisons de la Cité-derrière. C’est sur leur emplacement qu’on avait édifié le château de Menthon, détruit vers 1700 et dont les pierres ont été réutilisées pour construire l’actuel temple de St-Laurent. C’est dans ce château que Charles le téméraire résida, malade, en avril-mai 1476, après sa défaite à Grandson et avant de se mettre en route en juin pour assiéger la ville vaudoise de Morat occupée par les Bernois et y subir le désastre militaire que l’on sait.

Ne pénétrez pas dans les jardins si vous n’êtes pas en compagnie d’un guide du MDA: c’est une propriété privée. Mais marchez quelques mètres en direction opposée et vous vous trouverez comme nous en face du mur extérieur du chœur de la cathédrale.

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