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Cacahuètes et muselière

Cédric Cossy
La Nation n° 1971 12 juillet 2013

vaudois 20121, à réclamer de l’État une reprise sans compensation de certaines charges déléguées aux communes, afin de permettre à celles-ci de réduire à leur tour leur endettement. Cet appel tombait en pleine négociation financière entre le Canton et les deux regroupements de communes du Canton, l’Union des communes vaudoises (UCV) et l’Association des communes vaudoises (AdCV). Le résultat de ces négociations a été présenté le 27 juin dernier par l’État, pour être soumis au vote des assemblées générales des deux UCV et AdCV le 2 juillet. Alors que plus de quatre communes de l’UCV sur cinq ont plébiscité le protocole général d’accord, les communes de l’AdCV l’ont refusé à la quasi-unanimité. Les deux associations ne sont tombées d’accord que pour approuver le protocole séparé concernant le financement des tâches policières.

Ce dernier accord porte sur un plafonnement de la facture pour les missions générales de police à l’équivalent de 440 EPT, le surplus étant à la charge du Canton. Mais le standard de coût du policier doit encore être négocié, ce qui pourra conduire à des modifications de l’impact financier prévu. La convention policière n’est d’autre part valable que jusqu’en 2017, ce qui rend les projections 2018- 2020 très spéculatives.

Le protocole d’accord général négocié porte sur un allégement de l’ordre de 750 millions, répartis sur les exercices 2013 à 2020. On peut donc parler d’un geste symbolique puisque ceci correspondra dans le meilleur des cas à une augmentation de l’ordre du pour-mille des charges cantonales et à une réduction de moins de deux pour-mille des charges communales. Plusieurs des mesures nécessitent en outre, selon le communiqué officiel, d’«importants travaux parlementaires». Selon l’humeur des députés vaudois, les promesses cantonales risquent donc de ne pas être tenues.

Environ deux tiers des effets financiers de l’accord concernent la facture sociale, pomme de discorde entre les communes et l’État. On se rappelle que la part communale au financement des prestations sociales est passée, dans les années qui ont suivi la réforme ETACOM, du tiers à la moitié. Le nombre de points d’impôts basculés aux communes correspondait au supplément de la facture de l’époque. C’était sans compter avec les hausses massives et erratiques des coûts sociaux: dix ans plus tard, la part supplémentaire assumée par les communes ne correspond plus du tout à la bascule de points négociée dans le paquet ETACOM.

Les mesures d’allégement récemment négociées concernent tant la reprise par l’État de coûts liés aux soins à domicile, qu’une participation renforcée à la seule augmentation de la facture sociale à partir de 2016. C’est l’un des deux points qui fâche particulièrement l’AdCV: celle-ci redoute une augmentation cumulée 2013- 2020 de plus de 1,3 milliard pour les communes.

La réduction de 190 millions proposée par l’État semble donc bien mesquine.

Mais pourquoi les membres de l’UCV s’accommodent-ils de ces miettes? La réponse tient à la valeur du point d’impôt, servant de base au calcul de la facture sociale. Les communes de l’AdCV disposent pour leur majorité de contribuables aisés: la valeur du point d’impôt est élevée, ce qui oblige certaines communes à reverser les neuf dixièmes de leurs recettes au Canton pour la péréquation intercommunale et pour le paiement de la facture sociale. Chaque augmentation de la facture sociale a donc un effet démultiplié sur la petite part restante, destinée aux charges communales directes. Or, selon le système de répartition, ce sont ces mêmes communes qui, en valeur absolue, devront assumer la plus grande part des augmentations. A l’autre extrême, certaines communes de l’UCV, au budget de fonctionnement fortement soutenu par la péréquation intercommunale et disposant d’un point d’impôt bon marché, ne seront que très marginalement affectées par une hausse de la facture sociale.

Le second point qui fâche l’AdCV est la clause finale du protocole d’accord, stipulant: «La présente convention couvre et clôt l’ensemble des relations financières entre l’État et les associations de communes d’ici l’année 2020 comprise dans les domaines concernés par cet accord.» On ne comprend ici pas bien comment l’UCV accepte de se faire museler pour les huit prochaines années, contre l’attribution de quelques hypothétiques cacahuètes vaudoises.

On ne connaît pour l’instant pas la suite que l’État donnera à ce protocole partiellement approuvé. L’affaire fait toutefois ressortir un double malaise. Premièrement, la facture sociale reportée sur les communes augmente en proportion des coûts sociaux dans le Canton. Au risque de nous répéter, nous considérons que l’État a perdu tout contrôle sur ce type de dépenses, qui ont crû bon an mal an de 5% durant le dernier lustre, pourtant conjoncturellement florissant. Que doivent craindre les communes et les Vaudois en cas de récession? On ne peut deuxièmement ignorer les effets pervers de l’accord ETACOM, appauvrissant les communes riches, mais n’enrichissant pas les communes pauvres. Oser dans cette situation proposer le gel de toute négociation pour plusieurs années dénote de la part de l’État d’un mépris inadmissible face aux problèmes des communes.

Notes:

1 La Nation n° 1967 du 17 mai dernier.

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