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Les retombées politiques d’une décision militaire

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1977 4 octobre 2013

L’infâme GSsA s’est fait écraser, et avec lui tous les ennemis de la défense armée. Le peuple et les vingt-six cantons, même les moins militaires, ont rejeté un texte qui ne visait pas uniquement l’obligation de servir, mais l’armée comme telle. Dans le Canton, aucune commune, même de gauche, n’a accepté l’initiative.

Au-delà des égoïsmes individuels, les électeurs ont senti que c’était la raison d’être même de l’Alliance fédérale qui était en jeu.

Cette ample victoire a suscité chez les commentateurs de la presse une attitude de déni surréaliste. Il n’est pas excessif de dire qu’on a une vision exacte de l’événement et de sa portée en prenant le contrepied systématique de ce qu’ils ont écrit.

Ils ont commencé par minimiser le résultat en n’accordant pas plus de place à cette question fondamentale qu’à l’affaire périphérique des shops.

Ils ont répété en hochant la tête que ce vote n’avait rien résolu. En réalité, il a parfaitement résolu l’unique question qui était posée. Et ce ne fut pas une «gifle» pour le GSsA, comme ils l’ont dit du bout des lèvres, mais un knockout sans appel.

S’ils ont jugé, à raison, que la campagne du GSsA, était «ringarde», c’était pour mieux passer sous silence l’engagement de tous les instants de nombreux comités cantonaux et locaux, des sociétés d’officiers et de sous-officiers, les stands hebdomadaires voire bi-hebdomadaires dans toutes les grandes villes vaudoises, les conférences et les publications des opposants à l’initiative. Comme si la mauvaise com’ du GSsA avait été la seule responsable de l’échec d’une initiative qui eût mérité la victoire.

Ils ont dit que c’était une victoire de «la droite», refusant de voir que les catégories ordinaires avaient explosé et que c’est la Suisse tout entière, femmes et hommes, jeunes et vieux, ville, campagne et montagne, bourgeois et socialistes, nord et sud de la Sarine, qui soutenait le principe de la défense armée et du service obligatoire.

Ils ont tenté de faire diversion en appelant solennellement l’armée à donner d’urgence plus de place à l’informatique, aux femmes et aux étrangers. C’était prendre les choses par le faux bout: l’armée doit évoluer pour mieux répondre à l’évolution des risques et des menaces militaires, pas pour se plier aux foucades intellectuelles du moment. Et, encore une fois, ce n’était pas la question.

Ils ont enfin passé sous silence le fait que cet échec fut le plus sanglant de tous les échecs du GSsA, lesquels jalonnent au fil du temps la courbe descendante de l’antimilitarisme en Suisse.

Nos amis journalistes s’offusquent parfois de nos critiques, sarcasmes et autres ronchonnades envers la profession, mais ils doivent admettre que pour le coup, leurs confrères ont vraiment fait un travail d’amateurs1, pour ne pas dire de manipulateurs.

Autant en emporte le vent d’automne, l’essentiel est ailleurs. L’essentiel est que les Suisses ont choisi de continuer à suivre leur propre voie pour défendre leurs intérêts vitaux. Ils n’ont pas hésité à aller à contre-courant des autres Etats européens, lesquels tendent à abandonner suicidairement la protection de leur territoire et à professionnaliser leur armée pour ne l’engager que dans des conflits extérieurs.

L’article de M. Félicien Monnier montre que ce résultat impose au département de la défense, au Conseil fédéral et au Parlement une attitude autrement plus ambitieuse en matière d’armement et d’effectifs, c’est-à-dire aussi d’investissements.

Ce vote a aussi une portée politique. En bonne doctrine, les choix militaires dépendent des choix politiques comme le bras dépend de la tête. Pour une fois, cependant, c’est l’inverse qui est juste. C’est le bras, inspiré par le cœur, qui donne la direction à la tête et doit orienter notre politique étrangère.

Les Suisses ont affirmé leur volonté d’autonomie et de souveraineté, message sans équivoque à l’attention d’un Gouvernement par trop soumis aux exigences des Etats étrangers, par trop attentif au moindre froncement de sourcils du moindre fonctionnaire bruxellois, au moindre toussotement du moindre fouineur fiscal étasunien.

La signature de la lex USA, l’acceptation du FATCA, la convention passée avec la France sur les successions: autant de reculades politiques sans gloire, incompatibles avec le vote d’il y a dix jours!

Il faut que, face aux autres Etats et aux institutions supranationales, le Conseil fédéral se solidarise a priori et sans arrière-pensée avec le peuple et les cantons, qu’il évite de s’excuser de leurs décisions et cesse de déplorer en catimini les complexités du fédéralisme.

Il faut que notre diplomatie mette tout en œuvre pour que nos partenaires étrangers acceptent, à défaut de comprendre, notre cas particulier et ses contraintes propres.

Elle peut tirer argument du fait que le fédéralisme et la démocratie directe limitent son champ de manœuvre: «Je ne peux pas signer cela, le souverain suisse ne l’accepterait pas.» Cela demande il est vrai un peu de modestie.

Le vote sur l’initiative du GSsA montre le chemin aux conseillers fédéraux.

S’ils veulent être nos chefs, il faut qu’ils nous suivent.

Notes:

1 Nous recommandons de lire la charge «La vraie Suisse, plutôt que celle des médias», que Philippe Barraud, l’un des leurs, a publiée sur son site www.commentaires.com.

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