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Le droit vaudois des poursuites

Olivier Klunge
La Nation n° 1977 4 octobre 2013

Sous la plume de notre ami Cédric Ballenegger, la Bibliothèque historique vaudoise publie un ouvrage1 retraçant l’évolution du droit des poursuites pour dettes entre la création de l’Etat vaudois en 1803 et l’entrée en vigueur de la législation fédérale sur la question le 1er janvier 1892, quinze ans après l’adoption de la Constitution fédérale de 1874 qui centralisait la compétence législative en la matière.

L’histoire du droit de notre pays fait l’objet d’une attention réjouissante de la part de la Faculté de droit lausannoise. Cette thèse de doctorat, qui a bénéficié du soutien de la Fondation Marcel Regamey pour sa publication, traite d’un domaine qui n’avait pourtant fait l’objet que de peu d’études.

Le droit vaudois des poursuites présente un intérêt particulier à plus d’un titre. D’une part, le rôle du Vaudois Louis Ruchonnet dans l’élaboration de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) est souvent souligné; ce dernier s’est largement inspiré du droit et de la doctrine de son Canton, à tel point que notre auteur conclut que l’unification fédérale en la matière «offrit aux Vaudois la loi dont ils rêvaient sans avoir réussi à l’imaginer eux-mêmes».

D’autre part, il s’agit d’une période passionnante de l’histoire juridique: celle de la codification qui abandonne le droit d’ancien régime basé sur la coutume et les usages pour aboutir à un système juridique stable fondé sur la hiérarchie des normes (Constitution – lois – ordonnances).

Avant la révolution vaudoise, le droit des poursuites était régi par une multitude de coutumiers, différents selon les régions, voire les villes, et par des mandats de LL. EE. de Berne. La République helvétique, comme dans tous les autres domaines, échoue à unifier le droit privé en Suisse. Elle se préoccupe surtout de la question de la poursuite pour dettes fiscales, en particulier envers les communes qui rechignaient, malgré les ordres de l’Etat central, à lui verser cinq pour cent de leur fortune2.

Dès l’entrée en souveraineté du Canton, le législateur vaudois se presse d’adopter une nouvelle législation en matière de poursuites le 8 juin 1804. Si, dès 1812, des projets de réformes sont proposés, ils n’aboutissent pas et il faut attendre l’adoption du Code de procédure civile de 1824 pour voir la matière réformée et intégrée de manière plus systématique au droit civil. Puis en 1846, 1857, 1869 et 1886, de nouvelles codifications sont adoptées suite aux divers changements de régime politique que connaît le Canton, alors que la procédure conserve une étonnante stabilité, selon les termes de l’auteur. Ainsi, les Vaudois sont parmi les derniers en Europe, avec l’unification fédérale en 1891, à abandonner la contrainte par corps, c’est-à-dire l’emprisonnement pour dettes, car cette sanction leur paraissait moins sévère que la faillite forcée.

Alors que les Vaudois connaissent pas moins de six lois différentes en moins de cent ans, la loi fédérale adoptée en 1889 est toujours en vigueur de nos jours.

Cédric Ballenegger nous entraîne dans cette aventure historique et juridique avec un souci du détail et de la précision caractéristique des publications scientifiques, mais il témoigne aussi d’une passion affectueuse pour l’histoire de notre Patrie. Cela ne l’empêche pas de pratiquer une ironie pince-sans-rire; par exemple, lorsqu’il nous explique qu’après avoir essuyé cinq refus devant le parlement, le Conseil d’Etat propose en 1816 un projet répondant en tous points aux vœux exprimés par les membres de la commission parlementaire. «Malheureusement, les membres de la commission changent d’année en année et les avis des uns ne sont pas forcément ceux des autres.»

En conclusion, notons avec l’auteur qu’il serait utile de voir une étude historique reprendre les bases de cet important travail pour préciser l’influence des idées politiques sur la procédure de poursuites. Nous ajouterons qu’il serait également intéressant d’étudier l’influence des théories économiques sur cette matière.

Notes:

1 BHV no138, 2013, 450 pp.

2 Toute ressemblance avec un problème de politique vaudoise actuel est fortuite.

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