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Soins médicaux de base

Cédric Cossy
La Nation n° 1989 21 mars 2014

L’initiative populaire «oui à la médecine de famille» a été déposée le 1er avril 2010 avec plus de 200 000 signatures valables. Le texte a suscité, après de nombreux débats, un contre-projet direct qui a eu l’heur de satisfaire les auteurs de l’initiative; ceux-ci ont retiré le texte de base.

C’est donc sur le seul arrêté fédéral concernant les soins médicaux de base que le peuple suisse votera le 18 mai prochain.

Auteurs de l’initiative, responsables cantonaux et fédéraux de la santé et parlementaires fédéraux sont d’accord sur le constat d’une pénurie prévisible, si ce n’est avérée, de médecins généralistes ou de premier recours: beaucoup d’entre eux ont dépassé l’âge de la retraite et ne trouvent pas de successeur pour remettre leur cabinet. Cette absence de relève s’explique par trois facteurs au moins, à savoir la part trop discrète accordée à cette «spécialisation» dans les formations médicales universitaires, la rémunération inférieure des actes d’un généraliste comparés à ceux de certaines spécialisations prestigieuses, et la pénibilité liée aux contraintes de garde et d’urgence, surtout dans les régions périphériques. Les moratoires sur l’ouverture de nouveaux cabinets ont fait le reste…

Les mêmes acteurs, auxquels il faut ajouter les assureurs et le soussigné, supportent tous le principe de la consultation initiale chez le généraliste: son premier diagnostic permet, dans de nombreux cas, d’éviter le recours injustifié à des spécialistes plus coûteux. Le réflexe constitutionnel est-il pour autant approprié pour résoudre le problème de fond?

L’arrêté soumis au vote propose l’introduction dans la Constitution fédérale d’un nouvel article 117a ayant la teneur suivante:

1 Dans les limites de leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons veillent à ce que chacun ait accès à des soins médicaux de base suffisants et de qualité. Ils reconnaissent la médecine de famille comme une composante essentielle des soins médicaux de base et l’encouragent.

2 La Confédération légifère:

a.sur la formation de base et la formation spécialisée dans le domaine des professions des soins médicaux de base et sur les conditions d’exercice de ces professions;

b. sur la rémunération appropriée des prestations de la médecine de famille.

Le premier alinéa n’apporte pas grand-chose de nouveau sur le plan constitutionnel: l’article 41 al.1 précise: «La Confédération et les cantons s’engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, à ce que toute personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé.» Cette proposition n’étant nullement exclusive envers les soins médicaux de base ou la médecine de famille, elle permet aujourd’hui déjà leur renforcement si le législateur fédéral ou cantonal le juge utile.

Par principe, nous répugnons à accorder toute nouvelle compétence de légiférer à la Confédération; nous devons cependant avouer ne pas distinguer la nouveauté cachée dans le second alinéa du texte soumis à votation. La formation médicale, les autorisations d’exercer et les conditions de l’exercice de la médecine sont déjà régies par le droit fédéral, notamment la loi sur les professions médicales (LPMéd) et ses ordonnances. De même, la fixation de la rémunération via TARMED est décrite dans la LAMal, s’appuyant elle-même sur l’article 117 Cst.

Ni la Confédération, ni les cantons n’ont attendu ce nouvel article constitutionnel pour chercher des solutions à la pénurie dans la médecine de base. Un Masterplan Médecine de premier recours et médecine de base a été publié par l’OFSP en septembre de l’année dernière. Préparé par des délégués des associations de médecins, de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de la santé, de la Conférence universitaire suisse et de plusieurs organismes fédéraux, ce plan arrête un paquet de mesures pour augmenter à terme le nombre de généralistes. Citons entre autres un projet de modification de la LPMéd, le renforcement de la formation requise lors du cursus universitaire, la multiplication des places de stages en médecine générale, l’amélioration de la formation postgrade, et la revalorisation tarifaire de certains actes accomplis dans les cabinets de généralistes. Ajoutons-y le projet de nouvelle loi sur les professions de la santé, en consultation jusqu’au 18 avril, ce qui finit de démontrer que la Confédération possède aujourd’hui déjà toutes les compétences pour légiférer en matière de soins médicaux de base et de médecine de famille.

Le constat est similaire sur le plan vaudois. La collaboration entre le Département de la santé et de l’action sociale, la Société vaudoise de médecine, le CHUV et l’institut universitaire de médecine générale a débouché sur un programme d’assistanat en cabinet qui commence à porter ses fruits: nonante-quatre médecins de famille ont ainsi été formés depuis 2005; une trentaine de généralistes peuvent désormais suivre des stages chaque année. Les communes participent aussi à la relève en offrant des conditions d’installation avantageuses. Enfin, le rapport du Conseil d’état sur la politique sanitaire 2013-2017 prévoit un suivi précis de l’évolution de la démographie médicale, mais fait aussi la part belle aux mesures de soutien à la formation des généralistes et à la coordination des efforts pour alléger l’emprise des gardes médicales sur la vie privée des médecins.

Le dépôt en 2010 de l’initiative «Oui à la médecine de famille» était un cri de détresse des médecins de famille débordés et ne voyant pas la relève arriver. En quatre ans, cet appel a été entendu tant au niveau fédéral que cantonal et de nombreuses mesures correctives sont en préparation. Leur développement étant possible avec les dispositions constitutionnelles existantes, il se poursuivra – et c’est heureux – avec ou sans l’introduction du nouvel article 117a. De fait, le contre-projet direct a déjà rempli sa fonction en conduisant au retrait de l’initiative originale. Contrairement à M. Alain Berset, nous considérons que les soins médicaux de base n’ont plus besoin d’un «clair signal» pour être développés; le refus de cette disposition constitutionnelle inutilement redondante s’impose désormais le 18 mai.

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