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Le temps de la patience

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2021 26 juin 2015

Pourquoi La Nation, journal politique, donne-t-elle tant de place aux questions religieuses? A cette question récurrente, on peut répondre que l’Eglise évangélique réformée vaudoise est un élément constitutif du Pays de Vaud, qu’elle a modelé la psychologie des Vaudois et qu’aujourd’hui encore, elle y exerce une influence qui n’est pas négligeable. Si l’Eglise va mal, le pays en souffre. C’est un devoir politique de s’y intéresser.

L’Etat qui garantit la paix et le respect des mœurs aide l’Eglise dans l’accomplissement de son ministère. Inversement, une communauté ecclésiale stable double et renforce la société civile. Un tel équilibre est rare et provisoire. Nous l’avons connu après la guerre. Ce fut l’époque de la construction de Crêt-Bérard, des grandes manifestations des Jeunesses paroissiales, de la fusion des Eglises nationale et libre, de la mise sur pied d’un statut convenable pour les catholiques vaudois, de la publication de Psaumes et cantiques.

Les menaces de déséquilibre sont multiples et constamment à l’œuvre: une Eglise tentée par l’action politique ou, au contraire, par le désir de se retirer du monde; une théologie trop intellectuelle ou trop sentimentale; une liturgie mouvante, plate ou informe; une prédication trop liée à la pensée dominante, trop exclusivement compassionnelle, ou trop axée sur la morale ou sur l’action sociale. Ces dérives ne peuvent qu’avoir des répercussions sur la société. Là encore, le politique ne saurait s’en désintéresser.

Examiner les questions que pose l’au-delà, enfin, c’est dessiner en creux les limites de l’autonomie du monde d’ici-bas: contre-épreuve utile tant au théologien qu’au politicien.

M. Regamey, qui fonda la Ligue vaudoise et La Nation et rédigea pas loin de mille éditoriaux, voyait dans la distinction du temporel et du spirituel la clef de toute réflexion féconde sur la religion et la politique. Cette distinction, éloignée aussi bien de la séparation laïciste que de la fusion musulmane, est la plus difficile à tenir.

Il ne faut pas la voir comme une simple grille de lecture standard ou comme une liste de critères qui permettraient de trier a priori ce qui revient au temporel et ce qui revient au spirituel. C’est plutôt une manière de braquer prudemment la lampe de l’intelligence sur chaque élément de chaque situation, en prenant en compte son autonomie, ses liens avec les autres éléments et sa raison d’être par rapport aux fins dernières.

Durant des décennies, au fil des événements, des votations et des discussions internes, il examina et réexamina toutes ces questions à la fois essentielles et changeantes, celles des rapports entre la foi et la morale, entre la morale et la liberté, entre la morale abstraite et les mœurs concrètes, entre les mœurs et le droit.

Comment retrouver l’unité des premiers chrétiens, qui avaient tout en commun: l’unité entre les Eglises, l’unité de chacune d’entre elles, l’unité à l’intérieur de chaque croyant? Qu’est-ce que la charité? Quel est le rôle du dogme? Pourquoi la révolte de l’homme et la chute, pourquoi le mal?

M. Regamey s’exprimait à partir d’une connaissance longuement maturée des Ecritures, de l’histoire, de la vie politique et de la vie de l’Eglise. Il cherchait toujours la solution la plus adéquate, mais il lui arrivait de ne pas conclure, se contentant de trier et d’ordonner les éléments en présence.

Ces articles n’étaient que la manifestation écrite d’un engagement religieux constant: l’auteur avait tenu l’orgue à Epalinges durant des années; il avait joué un rôle important dans plusieurs de ces actions d’envergure que nous avons mentionnées plus haut, en particulier la fusion des Eglises et le statut des catholiques vaudois. Il avait même représenté l’Etat au Synode.

Il y a quelques années, une équipe de jeunes rédacteurs de La Nation, emmenée par le pasteur Jean-Pierre Tuscher, a collationné les articles de M. Regamey traitant de ces questions. Le but était de les publier. L’aurait-il voulu? Il détestait se relire («délectation morose») et n’a jamais voulu rééditer ses ouvrages épuisés.

Ces jeunes découvrirent avec émerveillement des articles d’une actualité confondante, écrits dans un style cursif avec un minimum de jargon théologique ou philosophique. Ces textes à la fois réalistes et perspicaces ouvraient un champ immense et imprévu à leur réflexion. Ils furent unanimes, l’édition s’imposait.

Les rares articles purement circonstanciels éliminés, il en restait cent cinquante et un. La direction des Cahiers de la Renaissance vaudoise en mit la moitié de côté et répartit les septante-sept restant en six chapitres préfacés, traitant successivement de la foi de l’Eglise, de la morale et de la conscience, de la foi chrétienne face à l’idéalisme politique, de l’Eglise réformée vaudoise, de l’Eglise catholique et de l’œcuménisme. Le premier article traite du lien entre la charité et l’institution, le dernier est l’adresse d’un protestant à Notre Dame. Diversité des thèmes, unité de l’approche.

Le titre choisi, Le Temps de la Patience, évoque la situation d’attente, toute d’impatience et d’inquiétude, qui sépare la mort du Christ de son retour en gloire.

Le directeur actuel des Cahiers, M. Benoît Meister, s’est vu contraint de reprendre un chantier un peu chaotique. Il dut même le lâcher deux fois pour publier des cahiers politiquement urgents. Mais aujourd’hui, la coupe est aux lèvres et l’on peut y boire. Il a droit à toute notre reconnaissance, charge à lui de transmettre à chacun de ses collaborateurs la part qui lui revient.

Vous aurez trouvé un bulletin de commande dans le précédent numéro de La Nation. Faites-en bon usage!

Notes:

Le Temps de la Patience, Cahiers de la Renaissance vaudoise, 352 pages, Fr. 36. –.

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