La nécessaire pesée des intérêts
Dans un arrêt publié le mois passé, le Tribunal fédéral (TF) a renvoyé à ses auteurs le projet d’implantation de neuf éoliennes géantes sur le site jurassien encore préservé de Bel Coster, au flanc du Suchet que nous aimons. Selon la Haute Cour, la protection de la nature n’a pas été prise en compte suffisamment lors de l’adoption du plan d’affectation intercommunal, concernant Ballaigues, Lignerolle et L’Abergement. Les autorités communales, puis cantonales n’ont notamment pas examiné comme elles l’auraient dû la protection de la faune ailée et celles des eaux souterraines. Ce dernier point intéressait particulièrement la commune française de Jougne qui, avec l’association française elle aussi Vivre au pied du Jura, s’est jointe au recours de Paysage Libre Vaud, Helvetia Nostra et SOS Jura.
Le TF exige que le dossier d’enquête soit complété sur les points manquants et qu’une pesée des intérêts enfin sérieuse et complète soit opérée avant qu’un plan d’affectation soit à nouveau présenté. Il souligne que ce travail doit être accompli à ce stade, et non dans la phase ultérieure du permis de contruire car, selon une prise en compte complète des éléments de protection de la nature, il se pourrait que le projet doive être sensiblement modifié et réduit, peut-être même au point qu’il deviendrait peu rentable.
Saluons ce jugement, qui casse celui du Tribunal administratif cantonal. Dans presque toutes les choses de la vie pratique, les choix appellent une pesée des intérêts. Il est rare que tout soit blanc ou noir. Il convient de voir le pour et le contre, de mesurer les avantages et les inconvénients de telle ou telle option. L’esprit de décision ne consiste pas à ignorer une partie de la réalité, mais à en pondérer les divers éléments et, sur cette base, à adopter rapidement une solution. Dans la justice, la pesée d’intérêts est ce qui différencie la recherche de l’équité d’un distributeur automatique de sentences pré-programmées.
Mais la révision des lois fédérales sur l’énergie et sur l’électricité, connues sous le nom de Mantelerlass et combattue par referendum, vise à anéantir cette notion qui fait l’honneur d’un droit bien compris. La production d’élecricité renouvelable, sauf rares exceptions du genre des marais de Rothenthurm, l’emporterait toujours sur tout autre intérêt public, en particulier sur la protection de la nature et la sauvegarde des paysages. La votation du 9 juin en décidera: le sage arrêt du Tribunal fédéral sur Bel Coster sera-t-il le dernier de son espèce?
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La CEDH et la négation du politique – Editorial, Félicien Monnier
- La CEDH et le droit de référendum – Félicien Monnier
- De la validité des initiatives populaires, plus particulièrement en matière fiscale – Jean-Hugues Busslinger
- Dominique d’Eugène Fromentin – Lars Klawonn
- Des mots délayés – Olivier Delacrétaz
- Perte de maîtrise – Cédric Cossy
- Enfermement démocratique – Jacques Perrin
- On peut toujours rêver – Le Coin du Ronchon