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Impôt vaudois sur la publicité: une initiative populaire nulle

Antoine Rochat
La Nation n° 2257 12 juillet 2024

Dans un arrêt récent du 4 juin 2024, la Cour constitutionnelle vaudoise a constaté la nullité d’une initiative populaire cantonale dite «Pour une taxe progressive sur les dépenses publicitaires indécentes»1.

Cet arrêt est intéressant, car il met en évidence un mécanisme de contrôle judiciaire des droits populaires. Il mérite que nous vous en présentions les grandes lignes.

L’initiative

Lancée par le groupe Agissons2 en été 2022 et rédigée de toutes pièces, l’initiative demande l’instauration d’une taxe sur les dépenses publicitaires visant l’espace public vaudois, à un taux variant entre 0% et 100%, selon l’ampleur de ces dépenses3.

Seraient exemptées de la taxe les publicités liées à des événements culturels et sportifs locaux, les communications officielles des autorités et les campagnes liées à des élections ou des votations. Les revenus de la taxe seraient affectés à des causes sociales ou écologiques.

Le Conseil d’Etat

Selon le mécanisme constitutionnel vaudois, le Conseil d’Etat doit examiner au préalable si une initiative est conforme au droit cantonal et au droit fédéral, notamment pour éviter une récolte de signatures inutile.

La Direction générale des affaires institutionnelles et des communes a émis des doutes sur la conformité de l’initiative avec le droit supérieur, mais le Conseil d’Etat l’a déclarée valide, par une décision du 18 janvier 2023.

En substance, l’exécutif cantonal a appliqué le principe in dubio pro populo (littéralement: «dans le doute, pour le peuple»). La décision du Conseil d’Etat est sujette à recours.

Le recours

Par acte du 16 février 2023, sept citoyens vaudois, issus des milieux économiques4, ont déposé un recours contre la décision du Conseil d’Etat et conclu à la nullité de l’initiative en question.

Pour les recourants, l’initiative violerait plusieurs principes constitutionnels (liberté économique, interdiction de la discrimination, liberté d’opinion, d’information et d’expression, liberté des médias). Elle ne respecterait pas le principe de l’unité de la matière et serait inexécutable.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle

En plus de trente pages, la Cour constitutionnelle cantonale examine soigneusement les arguments des initiants, du Conseil d’Etat et des recourants, puis elle tranche en faveur de ces derniers.

La Cour examine d’abord si la contribution financière prévue par l’initiative présente le caractère d’une taxe ou d’un impôt; elle la qualifie d’impôt d’orientation, destiné à influencer le comportement des contribuables.

La Cour considère ensuite que la liberté des annonceurs est restreinte par l’initiative, et que celle-ci «n’est manifestement pas apte à atteindre» ses objectifs5. La condition de la proportionnalité de l’impôt n’est pas non plus remplie.

Enfin, la Cour relève que la mise «en œuvre de l’initiative apparaît très problématique dans un certain nombre de domaines» 6.

En définitive, la Cour constitutionnelle juge que l’initiative est contraire à la liberté économique et qu’elle est inexécutable. Elle doit donc être annulée. Le recours est admis et la décision du Conseil d’Etat est également annulée.

Conclusions

L’arrêt de la Cour constitutionnelle peut encore faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral. Il est vraisemblable que les initiants vont déposer un tel recours. L’affaire n’est donc pas terminée.

A ce stade et à notre sens, il apparaît que le Conseil d’Etat n’a pas fait son travail correctement dans ce dossier. Il n’aurait pas dû valider cette initiative jusqu’au-boutiste.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle donne raison aux recourants sur toute la ligne. Le pouvoir judiciaire vaudois a heureusement rappelé quelques-unes des limites des droits populaires. Reste à voir si cela sera aussi, le cas échéant, l’avis des juges fédéraux.

Notes:

1   CCST.2023.0002, consultable sur le site www.jurisprudence.vd.ch .

2   Sur ce mouvement, voir l’éditorial de Félicien Monnier dans La Nation n° 2234 du 25 août 2023.

3   0% jusqu’à fr. 10’000.-, 25% jusqu’à fr. 100’000.-, 50% jusqu’à fr. 1’000’000.-, et 100% au-delà de cette somme.

4   Les recourants viennent du Centre Patronal, de la Fédération patronale vaudoise, de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, et d’une agence publicitaire.

5   Arrêt du 4 juin 2024, p. 24: L’initiative n’est manifestement pas apte à atteindre l’objectif environnemental et de santé publique recherché.

6   Arrêt du 4 juin 2024, p. 27.

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