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Après s’être trompé

Jean-François Cavin
La Nation n° 2257 12 juillet 2024

M. Daniel Visentini, journaliste à 24 heures dans la rubrique des sports, a été des mois durant un adversaire acharné de M. Murat Yakin, sélectionneur de l’équipe suisse de football. Il est intéressant de suivre l’évolution de son langage au fil des épreuves de la Coupe d’Europe de cette discipline.

Il convient de préciser que l’auteur de ces lignes n’a aucune compétence en matière de jeu de la balle au pied. Il ne regarde guère les matchs, sauf si la compagnie l’exige, car il trouve ce spectacle le plus souvent ennuyeux. Il ne connaît pas M. Yakin, ni M.Visentini. Les lignes qui suivent ne sont donc pas une chronique sportive, mais une chronique de technique verbale, voire de tactique politique.

Depuis la désignation de M. Yakin à son poste important, M. Visentini n’a cessé d’en dire pis que pendre. A se demander quelles hallucinations avaient eues les dirigeants suisses en le nommant. Les matchs préparatoires confirmaient une médiocrité de mauvais augure. Puis la Suisse a gagné sa première rencontre; M. Visentini ne pouvait nier le score, mais l’adversaire était faible et une hirondelle ne fait pas le printemps. Puis la Suisse s’est qualifiée, avec une petite anicroche, pour les huitièmes de finale; M. Visentini ne pouvait pas contester l’ascension, et il a commencé à dire du bien de la formation helvétique, en nommant fugacement son sélectionneur qui n’avait pas démérité. Puis la Suisse a sorti le champion italien, à la surprise de beaucoup; M. Visentini a sonné les cloches de la victoire, en soulignant toutefois que l’équipe des Azzuri était bien mal inspirée; quant aux Helvètes, M. Yakin compris, ils s’affichaient désormais comme une formation des plus valeureuses; il faut toutefois bien voir qu’on avait la chance d’aligner la meilleure équipe que notre pays ait jamais présentée; et il convient de mentionner que M. Yakin, après certains errements, était revenu à la formule du 3-4-3 sous la pression des joueurs.

Avant le match contre l’Angleterre, pour ne pas détoner dans l’euphorie générale, M. Visentini énonce ces paroles encourageantes, mais qui n’engagent à rien: «Il y a maintenant un autre Yakin et une autre Suisse.» Cela montre au moins qu’il ne s’égarait pas en critiquant le sélectionneur de la première époque, puisque celui-ci a changé. Puis la Suisse s’est inclinée devant l’Angleterre; cela évite à M. Visentini de nouvelles contorsions.

Que faire lorsqu’on s’est trompé? M. Macron ne dira jamais qu’il s’est fourvoyé en dissolvant l’Assemblée nationale; il préfèrera jeter la poudre aux yeux de quelques pirouettes oratoires. Mme de Quattro n’a jamais convenu qu’il ne fallait pas approuver la loi fédérale sur l’aménagement du territoire; elle a mieux aimé se réfugier derrière de prétendues assurances fédérales dont on n’a pas vu la teneur. M. Trump n’avouera jamais avoir favorisé une tentative de coup d’Etat lors de sa réélection ratée; il dit tout et son contraire, sauf la vérité, avec l’aplomb grotesque dont il est coutumier.

Ces politiques obstinés devraient prendre des leçons de souplesse chez M. Visentini. Ne pas se dédire nettement. Par petites touches successives, corriger progressivement l’affirmation initiale; en prenant soin toutefois de laisser planer un doute sur la réalité. En cas d’évidence contraire aux propos du début, arguer que les hommes ou les circonstances ont changé. On n’a jamais tout à fait tort.

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