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L’art de faire semblant de ne rien dire

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2263 4 octobre 2024

Habituellement, les journaux sont conçus pour nous apprendre plein de choses horribles. Dès lors, quand on parvient à la fin d’un article en étant persuadé de n’avoir rien appris, tout en ayant l’impression que les choses vont aller vers le mieux et que tout est sous contrôle, on se dit qu’on est face à un phénomène exceptionnel. En ce sens, il est possible que Mme Jessica Peppel-Schulz, directrice exécutive du groupe de presse Tamedia, soit un phénomène exceptionnel.

Nous avons parcouru avec curiosité ses déclarations dans la presse, notamment son interview dans 24 heures, dans le cadre des restructurations annoncées durant le mois de septembre. A la fin de notre première lecture, nous n’avions aucune idée de ce qu’allaient être ces fameuses restructurations; nous avions l’impression qu’elle avait esquivé toutes les questions du journaliste; et nous avions le sentiment diffus que son apparence soignée et lisse, son attitude imperturbable et lisse, ses propos parfaitement maîtrisés et lisses évoquant répétitivement un «journalisme de qualité», avaient été étudiés pour convaincre ses interlocuteurs qu’elle savait où elle allait, quand bien même elle n’en avait aucune idée.

A sa décharge, il faut reconnaître que certaines discussions étaient probablement encore en cours et que les décisions les plus importantes n’étaient pas encore tombées. Ensuite, lorsque nous avons relu son interview une seconde fois, avec un peu de recul et une meilleure compréhension du dossier, nous avons réalisé qu’il s’y trouvait tout de même des informations assez concrètes et non dénuées d’intérêt, révélatrices des défis entrepreneuriaux posés à l’entreprise et à toute la branche.

Il faut donc admirer à quel point Mme Peppel-Schulz est rompue à l’art de la communication, un exercice auquel elle a apparemment consacré toute sa carrière. Au premier abord, on a l’impression qu’elle n’est là que pour rassurer ceux qui l’écoutent et s’inquiètent, en ne révélant strictement rien et en engageant le moins possible ses employeurs. A y regarder de plus près (mais qui a l’idée et le temps de faire ça?), on découvre qu’elle était là pour donner l’impression qu’elle n’avait rien à dire, tout en disant les choses désagréables qu’elle avait à dire, mais en les emballant dans une atmosphère tellement maîtrisée, tellement professionnelle et tellement lisse qu’elles ressemblaient davantage à de la communication qu’à de l’information.

L’avenir dira si la société moderne et progressiste dans laquelle nous vivons s’intéresse encore au journalisme de qualité, ou seulement à la communication de qualité.

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