A propos du système de santé suisse
Le mois de septembre est peut-être devenu celui qu’appréhendent le plus les Suisses. Après les sueurs froides que l’annonce des nouvelles primes d’assurance maladie entraîne chez chacun, on lit toujours amèrement les titres du lendemain, les propositions de solutions tous azimuts et le classique «on arrive aux limites du système». Commence ensuite le grand bal des courriers recommandés et des changements d’assurance.
Les questions de santé occupent une part importante de la vie démocratique suisse, le nombre d’initiatives et de référendums lancés ces vingt dernières années sur ce sujet le prouve (près de cinquante). La prime annuelle a augmenté de 79% entre 2002 et 2022 alors qu’on observe, en parallèle, que la proportion de bénéficiaires des réductions de primes recule pour l’ensemble de la Suisse1. La charge financière étrangle les ménages. S’il coûte toujours de plus en plus cher, c’est aussi la question de la performance de notre système de santé qui se pose, ces deux points n’étant pas forcément corrélés.
A-t-on abouti à un monstre inintelligible, indétricotable? Les compétences sont en effet bien mal réparties entre Etat fédéral et Cantons et le nombre de parties prenantes très élevé (assureurs, médecins, laboratoires, industries pharmaceutiques, cliniques privées, etc.). Dans une récente conférence, Laurent Kurth, ancien conseiller d’Etat neuchâtelois en charge de la santé, montrait que 85% du budget cantonal dédié à la «santé» échappe aux décisions cantonales (application directe et indirecte de la LAMal). Les autorités cantonales sont réduites à un rôle d’exécution de la LAMal.
Malgré l’apparente complexité des chiffres, ils sont détricotables. Les 803,9 millions de francs consacrés aux subsides à l’assurance maladie comprennent le revenu d’insertion (RI) et les prestations complémentaires. La part consacrée au subside ordinaire et spécifique à l’assurance maladie s’élève en fait à 122 millions en 2023 (soit 1,02% du budget de l’Etat de Vaud) pour un tiers de Vaudois bénéficiaires. L’initiative d’allègement des primes, refusée en juin, n’aurait en rien contribué au redressement du système de santé, mais les chiffres doivent être clarifiés.
Une fin de vie «égrotante» n’est pas une fatalité. Le problème des soins de la fin de vie est d’ailleurs l’enjeu le plus important auquel notre société devra faire face. Le vieillissement de la population va faire exploser les coûts et, dans son état actuel, notre système de santé ne tiendra pas (manque de personnel, etc.). C’est donc en amont qu’il faut travailler. Les premières années de vie sont cruciales pour l’instauration de bonnes habitudes au niveau de l’alimentation et de l’activité physique. La prévention et la promotion de la santé doivent devenir des priorités.
Comprendre et expliquer le système de santé suisse est une entreprise difficile. Stéfanie Monod et Chantal Grandchamp s’y sont attelées dans trois articles parus dans la Revue médicale suisse entre 2022 et 20242. Leur lecture est essentielle. La répartition des responsabilités entre Confédération et Cantons mérite aujourd’hui une clarification que ni la Constitution fédérale ni la LAMal n’apportent, la souveraineté cantonale étant aujourd’hui réduite à peau de chagrin. Le débat doit se baser sur des données vérifiées et aller plus loin que le montant des primes d’assurance maladie. Des mesurettes telles que le remboursement de médicaments achetés à l’étranger ou la hausse de la franchise minimale à 500.– CHF ne suffiront pas. Il est important d’avoir une vision qui aille au-delà des soins et qui considère l’ensemble dans une perspective de santé. L’organisation du système de santé doit se faire au niveau cantonal, alors que la commune a un rôle spécifique à jouer dans la prévention et la promotion de la santé.
Notes:
1 Le nombre de bénéficiaires de réductions de primes reste stable entre 2012 et 2022, mais le pourcentage baisse, la population ayant augmenté. Voir https://dashboardassurancemaladie.admin.ch/primes.html et Statistique de l’assurance-maladie obligatoire. Edition 2022, OFSP, publication 07/2024.
2 Voir la série «Système de santé suisse». Nous les mettons volontiers à disposition des personnes intéressées sur demande à l’adresse courrier@ligue-vaudoise.ch
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Collégialité, unité, souveraineté – Editorial, Félicien Monnier
- Fiscalité vaudoise: il faut dépasser l’anecdote! – Jean-Hugues Busslinger
- Nostalgie du brouillard – Raphaël Franzi
- Deux poids, deux mesures – Benoît de Mestral
- Le référendum des paroisses – Olivier Delacrétaz
- C’était mieux avant? – Jacques Perrin
- La foi en l’humanité, une chimère – Jacques Perrin
- Embrouille au café – Jacques Perrin
- L’art de faire semblant de ne rien dire – Le Coin du Ronchon