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Droits populaires et traités internationaux

Julien Le Fort
La Nation n° 1932 13 janvier 2012
Le 12 février 2008, l’Association pour une Suisse indépendante et neutre a déposé à la Chancellerie fédérale son initiative «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (accords internationaux: la parole au peuple!)». Cette initiative a pour but de faire soumettre au vote du peuple et des cantons (réd: c’est nous qui soulignons) les traités internationaux à portée constitutionnelle.

Sur le fond, le Parlement et le Conseil fédéral sont rapidement tombés d’accord: il fallait que cette initiative soit rejetée par le peuple et les cantons. Sur les moyens à mettre en oeuvre, ils ont divergé: le Conseil fédéral avait prévu de présenter un contre-projet; le Parlement avait d’abord soutenu cette idée mais il a changé de stratégie lors de la dernière session parlementaire. En effet, le 15 décembre dernier, le Conseil national s’est rallié au Conseil des Etats sur le fait qu’il fallait «donner un signal clair pour combattre ce projet » en recommandant de rejeter l’initiative sans lui opposer de contre-projet.

Selon les intervenants des deux Conseils, il serait difficile de déterminer en pratique si un traité doit ou non être soumis à votation; on assisterait alors à des manipulations politiques autour de la décision – qui reviendrait au Parlement – de soumettre ou non un traité à votation.

Plus fondamentalement, au-delà du débat sur les difficultés juridiques, on sent au sein de l’establishment politique une forte crainte: il faut faire rejeter cette initiative, coûte que coûte! Cette crainte est partiellement légitime: on sait par expérience qu’il est difficile de faire campagne sur des sujets institutionnels avec des arguments rationnels. Il est donc piquant de voir des démocrates craindre le jugement du peuple.

La Nation a toujours affirmé que la structure fédérale de la Suisse doit avoir une grande importance en matière de politique étrangère. En effet, les traités internationaux qui engagent la Suisse engagent chaque canton; la Confédération ne saurait alors conclure des traités «contre» les cantons. Cette réalité doit permettre au Conseil fédéral, lors de négociations, de refuser certaines couleuvres au nom des cantons. A vrai dire, il est même confortable pour les autorités fédérales, lorsqu’elles négocient âprement et opposent quelque refus à un pays étranger, de pouvoir faire porter le chapeau aux cantons.

Or le Conseil fédéral n’agit pas ainsi. Le Département fédéral des affaires étrangères semble avoir totalement perdu de vue la structure fédérale de la Suisse. S’il était demeuré plus conscient de l’équilibre interne fragile qui compose la Suisse, le Département aurait peut-être évité que ne soit déposée l’initiative «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère».

Le fait que les traités internationaux importants soient soumis au vote du peuple et des cantons constitue une béquille utile pour remédier à l’absence de perspectives cantonales des autorités fédérales. tout en sachant que cette initiative peut favoriser quelque discours excessifs fondé sur l’émotion, nous soutiendrons cette initiative.


NOTES:

Art. 140, al. 1, let. d (nouvelle)
Sont soumis au vote du peuple et des cantons:
les traités internationaux qui:
1. entraînent une unification multilatérale du droit dans des domaines importants;
2. obligent la Suisse à reprendre de futures dispositions fixant des règles de droit dans des domaines importants;
3. délèguent des compétences juridictionnelles à des institutions étrangères ou internationales dans des domaines importants;
4. entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus d’un milliard de francs, ou de nouvelles dépenses récurrentes de plus de 100 millions de francs.

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