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«L’impôt heureux», petit traité de philosophie fiscale à l’usage des Vaudois

Vincent Hort
La Nation n° 1932 13 janvier 2012
M. Pascal Broulis, président du Gouvernement vaudois et chef du Département des finances, a récemment publié un essai intitulé L’impôt heureux. En dépit – ou grâce – à un titre paradoxal, un brin provocateur, cet opuscule s’est classé parmi les meilleures ventes de la librairie Payot à la fin de l’année dernière.

Non seulement l’impôt et le bonheur ne seraient pas opposés mais ils pourraient même coexister harmonieusement? Tel est en tout cas le credo que le ministre des Finances a souhaité partager avec les Vaudois à l’approche des prochaines échéances électorales.

Le thème de la fiscalité pourrait paraître a priori rébarbatif. Avec L’impôt heureux, il ne l’est pas. A travers cent cinquante-quatre courts articles plaisamment illustrés par le dessinateur Joël Freymond, cet essai permet à M. Broulis d’exposer les grands principes de sa philosophie fiscale et, plus largement, de sa conception des rapports entre l’Etat et les citoyens. Comme on est en droit de l’attendre de la part d’un radical vaudois, il s’agit d’un plaidoyer pour l’équilibre et le juste milieu, mais aussi d’une défense du fédéralisme et des compétences cantonales.

Les nombreuses anecdotes rapportées dans L’impôt heureux témoignent de l’infinie créativité des percepteurs pour drainer l’argent du contribuable vers des caisses publiques trop souvent vides… Impôts sur les barbes, contribution sur les alambics, taxes sur les fenêtres, voire sur les carreaux de fenêtres… L’ouvrage fourmille aussi d’informations piquantes sur les pratiques passées ou actuelles du fisc vaudois. Le permis de chasse ne s’obtient qu’en l’absence d’arriéré d’impôt… Le timbre perçu sur les affiches permettait d’exercer un discret contrôle de leur contenu…

Au-delà du caractère anecdotique de certains articles, M. Broulis aborde des sujets essentiels. Il est un partisan déclaré de la diversité des prélèvements. Celle-ci doit assurer à la fois un juste équilibre entre les différents types de contributions et permettre à l’Etat de disposer de plusieurs facteurs d’ajustement tout en assurant la stabilité de ses ressources. A ce titre, le ministre des finances ne craint pas une certaine complexité du système fiscal: «aussi simple que possible, aussi complexe que nécessaire». Pour lui, la fiscalité ne peut se réduire à un ou deux facteurs synthétiques mais reflète nécessairement la variété des activités humaines. Il est opposé, par exemple, au système – apparemment simple mais «injuste» – du taux unique d’imposition sur le revenu (la flat tax) ou à celui – virtuel – de l’impôt négatif.

L’impôt heureux souligne le lien qui existe entre impôt et démocratie. Le citoyen doit pouvoir se prononcer sur les impôts auxquels il est soumis, c’est un principe fondamental. Pour autant, le fait de payer l’impôt ne suffit pas à faire de tout contribuable un citoyen. La citoyenneté est une qualité plus large, fondée sur d’autres critères que le financement des prestations publiques. De nos jours, ce rappel n’est pas superflu.

Un chapitre est consacré à l’impôt sur les successions. Affirmant son caractère équitable, indolore et économiquement neutre, M. Broulis en défend le maintien quand bien même de nombreux cantons suisses y ont renoncé. De même, il se déclare favorable au maintien de l’impôt ecclésiastique en cela qu’il traduit le partenariat existant entre l’Eglise et l’Etat. Dans le relativisme ambiant, cette position mérite d’être relevée.

A partir d’un sujet peu engageant, M. Broulis est parvenu à publier un agréable opuscule qui dépasse les clichés habituels sur le fisc. En cette période où l’accumulation de la dette publique oblige tant d’Etats européens à des plans d’austérité et de sévères hausses d’impôt, L’impôt heureux propose aux lecteurs des réflexions intéressantes sur le rôle de l’Etat, le financement des prestations publiques ou les mécanismes subtils de la justice fiscale.


NOTES:

Pascal Broulis, L’impôt heureux, Editions Favre SA, 2011, 128 p.

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