Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Retour au syndicalisme

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1994 30 mai 2014

Les syndicats penchent à gauche. On en a pris l’habitude, sans doute à tort. Ce à quoi, en revanche, on ne s’habituera jamais, c’est leur alignement automatique sur toutes les prises de position du parti socialiste, même les plus évidemment contraires aux intérêts qu’ils sont censés représenter.

Ainsi de l’adhésion à l’Union européenne. Le socialisme, en tant qu’il est égalitaire, ne peut que désirer la suppression des frontières. Bon. Mais les syndicats?… Ils savent pourtant que cette suppression signifie la disparition d’un ordre social et économique qui est, d’expérience, le plus favorable à leurs mandants. Elle annonce aussi la mise en place d’un cadre de travail délétère, mélange de libéralisme illimité et d’étatisme vétilleux, qui transforme le travailleur en pion revendicateur et impuissant. Contre cette menace de fond, ils se contentent de demander des mesures temporaires d’accompagnement!

On remarque aussi le mutisme obstiné des syndicats en ce qui concerne l’évolution de l’école vaudoise vers un prolongement de la scolarité obligatoire qui pourrait tuer l’apprentissage dual. Là encore, l’obsession égalitaire et l’idéologie du tout-à-l’université propre à la réforme scolaire prévalent sur l’intérêt des travailleurs. Là encore, au lieu de contester des réformes débiles, on fait profil bas pour ne pas chagriner les camarades réformateurs.

Enfin, et pour en venir à leur initiative pour un salaire minimum, quelle étrange méthode d’action syndicale que de remettre spontanément des pans entiers de ses propres compétences à l’administration! C’est une espèce de suicide professionnel. On a le sentiment que les syndicats se défient tellement d’eux-mêmes et craignent tellement les patrons qu’ils préfèrent se faire croquer tout de suite par le gros animal étatique.

En principe, un syndicat est une association vouée à la défense d’intérêts particuliers. Il n’est pas au service d’un parti ou d’une idéologie, mais à celui de ses affiliés. Sa tâche est d’évaluer où sont les intérêts de ses mandants et de les défendre au mieux, notamment lors des tractations avec ses partenaires des syndicats patronaux. Il les fait aussi valoir face au législateur, faute d’une corporation faîtière qui représenterait les intérêts communs des patrons et des employés auprès du pouvoir politique.

C’est un métier difficile qui doit éviter aussi bien le syndicalisme révolutionnaire, pour qui tout accord est une défaite, que le syndicalisme routinier, qui signe tout sans avoir rien combattu. Pour aboutir, la plus modeste des conventions collectives demande de l’énergie, de l’opiniâtreté, de l’invention. Il faut être très proche de la réalité, car les situations changent d’un canton et d’une région à l’autre, d’une branche professionnelle à l’autre, d’une année à l’autre. Il faut encore séduire pas mal d’employés, généralement peu payés, qui préfèrent subir l’arbitraire de leur employeur plutôt que de payer des cotisations syndicales. Et tout est toujours à recommencer. Face à ces pesanteurs, il est tentant de se décharger sur l’Etat et de recourir à ses solutions, si simples sur le papier («tout le monde et partout gagne au moins 4000 francs»), si irréalistes sur le terrain.

Il risque d’arriver un jour où les syndicats n’auront plus rien à défendre parce qu’ils auront tout confié à l’Etat. Il ne leur restera alors qu’à changer de métier ou à se limiter à l’agitation sociale. Le peuple l’a apparemment compris. Par septante-sept pour cent des votants, il a prié les syndicats de se distancier du syndicalisme socialiste et de ses préjugés étatistes, pour s’en tenir au syndicalisme collaboratif des discussions paritaires et des conventions collectives.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: