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LAT: la centralisation tient ses promesses

Olivier Klunge
La Nation n° 1994 30 mai 2014

Dans notre article du 8 février 20131, nous qualifiions la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT, finalement adoptée par le peuple le 3 mars 2013) d’inconséquente, technocratique et pernicieuse. Avec la mise en vigueur de cette révision et de son ordonnance d’application le 1er mai 2014, ces avertissements s’avèrent pleinement justifiés.

Nous ne nous étendons pas sur l’incohérence qu’il y a à vouloir densifier tout en préservant les espaces verts au centre des villes, concentrer l’habitat autour des axes de transport tout en augmentant les contraintes liées au bruit et à la circulation des matériaux dangereux. Nous relevons qu’il faut désormais y ajouter l’illogisme d’une période transitoire où la densification dans les agglomérations est bloquée pour des terrains à classer en zone à bâtir alors que des communes rurales se dépêchent de construire dans des zones surdimensionnées.

Les jérémiades de nos politiciens et urbanistes sur la rigidité avec laquelle les fonctionnaires fédéraux usent de leurs nouvelles compétences nous étonneraient, si ce n’était malheureusement devenu une rengaine de notre système politique2. La révision qui a été approuvée par 56% des Vaudois prévoyait clairement que la définition des besoins en zones à bâtir et les principes de leur classement se feraient par des «directives techniques». Pourquoi penser que les fonctionnaires de l’ARE3 allaient imposer à toute la Suisse les us et coutumes vaudois, plutôt que les zuricois? Le principe même de centralisation impose une unification; et dans un système démocratique, c’est généralement la majorité qui impose ses vues…

Si le courrier de Mme Leuthard au gouvernement vaudois contient effectivement quelques tromperies, le mensonge était décelable à la lecture des dispositions transitoires de la loi. L’ordonnance ne fait que les reprendre dans toute leur rigueur. Tant que le nouveau plan directeur cantonal n’est pas adopté, et pendant cinq ans, tout classement en zone à bâtir doit être compensé par un déclassement préalable ou simultané dans le Canton. Il est louable que le Conseil d’Etat vaudois demande une exception sur ce point, mais la situation vaudoise est-elle si différente de celle de Genève, de Zurich ou de l’Argovie?

Notons au passage que le Plan directeur adopté en 2007 contient déjà une obligation de dézoner et de compenser les surfaces d’assolement hectare par hectare. Notre gouvernement a donc trouvé un bouc émissaire de choix dans le Conseil fédéral pour faire oublier que ce sont nos autorités et fonctionnaires cantonaux qui ont imposé ces mécanismes en premier.

Cependant, le pire est encore à venir. On peut en effet douter que le nouveau plan directeur cantonal soit réellement accepté par le Conseil fédéral d’ici cinq ans. Les brouilles entre gouvernements cantonal et fédéral, les divergences politiques profondes sur la mise en œuvre de la taxe sur les plus-values et sur l’indemnisation en cas de dézonage, la difficulté de trouver des zones à bâtir importantes à dézoner (alors que propriétaires et communes s’empressent actuellement de les exploiter avant que le couperet ne tombe), la difficulté de définir précisément les besoins urbanistiques et leur localisation, laissent présager des débats politiques, juridiques et administratifs longs. Or, si le plan directeur n’est pas entré en force le 1er mai 2019, «aucune nouvelle zone à bâtir ne peut être créée dans [le] canton»,4 une compensation n’entrant plus en ligne de compte.

Ces problèmes auxquels est confronté le Canton de Vaud, comme tous les autres Etats fédérés, découlent directement de l’adoption de la dernière révision de la LAT; ils ne sont pas près de se terminer. Cette nouvelle expérience de centralisation inefficace, technocratique et brutale nous rappelle une fois encore pourquoi nous défendons avec vigueur les principes fédéralistes.

Notes:

1 La Nation, n° 1960.

2 Citons, à titre d’exemple, Swissmedic, le plan d’étude Harmos, les universités, les procédures civiles et pénales, l’assurance maladie.

3 Douce abréviation alémanique utilisée des deux côtés de la Sarine pour l’Office fédéral du développement territorial.

4 LAT, art. 38a, al. 3.

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