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Quelle base constitutionnelle pour les services secrets?

Antoine Rochat
La Nation n° 1995 13 juin 2014

Le 19 février 2014, le Conseil fédéral a adopté un «message concernant la loi sur le renseignement»1 et l’a transmis aux Chambres.

Notre attention a été attirée sur le chapitre «constitutionnalité et légalité», particulièrement développé: trois pages, alors que cette partie ne compte habituellement que quelques lignes, du moins lorsque la base constitutionnelle d’une future loi est claire.

En l’occurrence, le message commence par rappeler la bonne doctrine:

Aux termes des dispositions constitutionnelles régissant la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons, la Confédération peut légiférer lorsque la Constitution fédérale lui en confère la compétence. Lorsque de telles compétences ne lui sont pas conférées, ce sont les cantons qui sont compétents.2

La suite du texte nuance sérieusement ce principe:

Cependant, dans le domaine de la sûreté intérieure et extérieure, le texte constitutionnel n’est pas déterminant à lui seul pour déterminer si les normes constitutionnelles donnent à la Confédération le pouvoir de légiférer. En effet, la doctrine reconnaît à la Confédération certaines compétences, dites inhérentes, parce qu’elles sont liées à sa souveraineté, lorsqu’elles ne figurent pas explicitement dans la Constitution.3

Le Conseil fédéral relève ensuite que certains participants à la procédure de consultation avaient demandé la création d’une base constitutionnelle explicite pour le renseignement. Mais l’exécutif estime que la «compétence inhérente» de la Confédération est suffisante, sans aucune justification.

Nous ne sommes pas de cet avis. Si les services secrets le sont vraiment, pourquoi faut-il leur consacrer une loi? Et si une loi est vraiment nécessaire, pourquoi ne pas la doter d’une base constitutionnelle? Pour éviter le vote du peuple et des cantons?

Il y a plus. Selon les termes du message, le projet de loi peut entraîner de graves atteintes aux droits fondamentaux des personnes lorsque des mesures de recherche d’informations soumises à autorisation sont mises en œuvre (notamment des mises sur écoute téléphonique ou des enregistrements visuels et sonores dans des locaux privés).4

Enfin, le message reconnaît que le projet de loi prévoit une large centralisation à l’échelon de la Confédération des prescriptions relatives à la protection des données.5 Cette centralisation ne nous paraît correspondre à aucune nécessité, et le message ne la justifie pas.

Dépourvu de base constitutionnelle, présentant une menace pour les libertés individuelles, inutilement centralisateur, le projet de loi fédérale sur le renseignement doit être renvoyé à son expéditeur.

 

Notes:

1 FF 2014 pp. 2029 à 2208.

2 FF 2014 p. 2151.

3 Ibidem.

4 FF 2014 p. 2152.

5 FF 2014 p. 2158.

 

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