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Le fou de la démocratie

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2008 26 décembre 2014

Dès son premier numéro, en janvier 1931, La Nation annonçait qu’elle resterait en dehors du jeu électoral. Elle ne présenterait jamais aucun candidat, ni n’en recommanderait. Elle a tenu parole.

Pourtant, les partis n’offraient-ils pas un choix idéologique des plus large? Le parti libéral pour la liberté individuelle, la propriété privée et l’économie de marché; le parti socialiste pour la solidarité collective dans le cadre de l’Etat providence; le parti démocrate-chrétien pour la famille, la morale et la religion chrétienne; les agrariens pour la défense des paysans, des artisans et des commerçants; les radicaux pour l’exercice pur et simple du pouvoir? L’offre s’est encore étendue, avec le nationalisme suisse de l’Union démocratique du centre et les partis écologiques.

Elle s’est aussi restreinte, il est vrai, avec l’agonie parallèle des partis libéral et radical. La classe grand-bourgeoise traditionnelle qui structurait le parti libéral et le fournissait en personnalités originales est en voie de disparition. Le parti radical, fatigué par un trop long exercice du pouvoir sans partage, miné de l’intérieur par ses querelles claniques, a laissé la place au parti socialiste, lui-même embourgeoisé. Il lui sert occasionnellement de supplétif, comme on l’a vu dans le débat scolaire.

Cette offre idéologique est certes large. Mais il faut toujours choisir ce parti-ci ou ce parti-là, contre tous les autres. Le propre d’un parti est d’identifier le bien commun à son bien propre, lequel est proportionnel au nombre de sièges qu’il occupe. Pour le surplus, il n’y a que des concurrents, voire des ennemis, sous réserve d’alliances manœuvrières soumises en permanence à la clause du plus ample intéressé.

Le système de la démocratie partisane divise le pays. Les partis sont contraints de ne pas être d’accord, quand même ils voudraient l’être. Le statut de parti serait donc particulièrement incongru pour un mouvement qui, comme la Ligue vaudoise, recherche l’unité du bien commun.

Le principe de division est aussi à l’œuvre à l’intérieur de chaque parti, divisé qu’il est en factions qui s’affrontent férocement, la faction étant pour sa part constituée d’individus qui désirent tous plus ou moins, et plus ou moins discrètement, et plus ou moins férocement être calife à la place du calife.

Il y a le clientélisme électoral que le régime impose aux candidats. La nécessité de se faire aimer aussi largement que possible les contraint à faire litière de cette vertu citoyenne intransigeante qui seule, aux dires de Montesquieu, légitime le régime.

Il y a l’étatisme, conséquence du clientélisme électoral, conséquence aussi du principe égalitaire. L’étatisme substitue les règlements morts de l’appareil administratif aux libres décisions des entrepreneurs, paysans, artisans, industriels et, d’une façon générale, de tous les groupements, fondations, associations diverses dont l’activité se voit corsetée, et toujours plus, par des brouettées de normes pas toujours justifiées et rarement limpides.

Il y a la centralisation, qui vide de leur substance les communautés locales et les pouvoirs intermédiaires et, en Suisse, entraîne l’érosion continue des pouvoirs cantonaux.

Il y a les oligarchies de fonctionnaires (bureaucratie) et d’experts (technocratie) qu’aucun changement de gouvernement, qu’aucun bouleversement révolutionnaire n’a jamais réussi à déboulonner et dont chaque jour voit le nombre augmenter.

Il y a, enfin, les prolongements de la démocratie au-delà des frontières qu’elle abaisse: le mondialisme de droite et l’internationalisme de gauche.

On nous répondra avec Churchill que «la démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres». Au sens strict, cette spirituelle formule n’a guère de sens. Elle n’en est pas moins la principale, pour ne pas dire l’unique défense des partisans de la démocratie dès qu’on pousse un peu la critique.

Quoi qu’il en soit, le rôle de la Ligue vaudoise est notamment de jouer le rôle de fou du régime, de dénoncer sans relâche le «pire» de la démocratie, de parler au nom du bien commun du Canton plutôt que de tel parti, de tenir le langage vraiment politique que les partis, obnubilés par leurs grandes manœuvres, repoussent toujours à plus tard, quand ils auront les choses bien en mains, ce qui n’arrive jamais.

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