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En souplesse

Jean-Blaise Rochat
La Nation n° 2008 26 décembre 2014

Dès qu’un mot devient l’étendard d’une idée généreuse, c’est un signe infaillible de l’affaiblissement de sa portée, voire de l’inversion de son sens. Les Carmélites de Compiègne croyaient que leur liberté était de prier dans le secret de leur couvent. Elles furent guillotinées pour n’avoir pas compris que le vocabulaire avait changé, qu’il n’y avait pas de liberté possible pour les ennemis de la Liberté (avec majuscule). Le mot vérité a connu une infortune semblable sous le communisme: inutile de s’étendre sur la part de vérité contenue dans la défunte Pravda. Aujourd’hui, la surexposition de mots comme tolérance ou dialogue nous rappelle dans quel monde de fanatiques et d’autistes nous vivons.

Lors du dernier salon des métiers à Beaulieu, la Haute Ecole Pédagogique (HEP) tenait un stand. Pour appâter le visiteur, elle distribuait des balles en mousse, sur lesquelles étaient imprimés ces mots: «HEP tout en souplesse.» Le message subliminal du slogan est limpide: «Va chercher la baballe!… Rapporte!… Bon chien, va…» Tout en souplesse. Le dressage par le jeu. Ludique. Obéissance & fidélité. Pour l’année prochaine, je propose: «HEP la voix de son maître.»

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