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Lutte contre le racisme: riez jaune!

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2008 26 décembre 2014

La Commission fédérale contre le racisme (CFR), présidée par Mme Martine Brunschwig Graf, publie un bulletin «sur l’humour, la satire et l’ironie, des domaines où la liberté d’expression est parfois invoquée pour propager des idées ouvertement racistes de manière sournoise ». Le communiqué de presse (nous nous sommes épargné la lecture de l’opuscule) pointe du doigt, sans les nommer, des humoristes qui, au cours de l’année écoulée, «se sont bornés à reproduire des stéréotypes sans les remettre en question, contribuant consciemment ou inconsciemment à ancrer dans la société majoritaire une certaine vision discriminatoire des minorités et un rapport de domination. L’humour a un rôle important dans la société et n’est jamais innocent. Il peut remettre en question les rapports de domination ou les entériner, démasquer les préjugés ou les propager. » Le texte cite encore un socio-anthropologue au nom imprononçable: «Pour que l’humour incite comme il se doit au changement et à la critique, il est impératif de veiller à sa pluralisation institutionnelle et à sa démocratisation et de s’assurer de sa nature critique envers le racisme. »

Vous aurez remarqué, disséminées dans cette logorrhée pateline, ces quelques expressions lourdes de sens: «comme il se doit» (l’humour doit inciter au changement); «il est impératif […] de s’assurer» (que l’humour critique le racisme); l’humour «n’est jamais innocent» (donc toujours coupable). Voilà qui a le mérite d’être clair: les commissaires du peuple (ou plutôt des autres peuples) de la CFR nous laissent entrevoir la création prochaine d’un Office de surveillance de l’humour (Spaßüberwachungsamt). Il n’y a rien là de surprenant: tous les régimes autoritaires fondés sur une idéologie dont personne ne veut sont obligés, à un moment ou à un autre, de faire taire les gens qui rient d’eux. Aujourd’hui, on nous balance de doucereuses leçons de morale; mais cela ne suffira pas à faire taire les rieurs, qui vont continuer de plus belle à agacer le régime et à ridiculiser l’idéologie officielle. Tôt ou tard, il faudra envoyer les agents de l’Antiraspo, la police politique antiraciste, pour arrêter les humoristes subversifs, confisquer leurs moyens de diffusion, brûler leurs samizdats cachés dans des caves.

Au risque de surprendre quelques lecteurs, et bien que notre chronique soit certainement déjà dans le collimateur des commissaires fédéraux, nous souhaitons souligner que nous ne sommes pas en total désaccord avec les propos tenus par la CFR. Il est en effet tout-à-fait justifié de considérer comme dangereux les pseudo-humoristes qui s’attaquent aux fondements de la société idéale à laquelle nous aspirons. A ce titre, les petits malins qui, sous couvert de liberté d’expression, rient de l’armée, de la police, de la discipline, du patriotisme, de la morale, de la famille ou de la religion chrétienne – et ainsi propagent des préjugés et reproduisent des stéréotypes sans les remettre en question – sont des individus nuisibles qu’on ferait bien de mettre hors d’état de nuire.

Notre avis étant maintenant donné, nous allons remettre notre texte au Comité de censure de Mme Anastasie Brunschwig Graf, qui coupera les passages effrontés et ne conservera probablement que cette seule phrase: «Nous ne sommes pas en total désaccord avec les propos tenus par la CFR.»

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