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La loi sur les épidémies, un monstre législatif

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1975 6 septembre 2013

Avec la loi fédérale sur les épidémies, les services de M. Alain Berset ont bricolé un de ces monstres législatifs de portée extensible et de rang manifestement constitutionnel comme on en faisait dans les années septante. En lisant les huitante-sept articles de la loi et l’épais message qui les accompagne, on a le sentiment que la lutte contre les épidémies commencera le 22 septembre, que rien ne se faisait avant, que tout est nouveau, et terrible, et qu’il est déjà presque trop tard, et que seule la Confédération, qui sait tout et qui peut tout, est à la hauteur.

En réalité, les cantons assument parfaitement leur compétence en matière d’épidémies. Rien ne peut leur être reproché. Et la Confédération ferait mieux de s’occuper de ses affaires, de notre souveraineté, par exemple, qu’elle est en train de saborder. Mais, à ses yeux, la compétence des cantons est une situation précaire qui ne présage rien de bon. Rien n’est plus important que de les en priver.

La loi sur les épidémies ajoute à l’engorgement chronique du droit fédéral tout en nous privant des bénéfices d’une pratique cantonale de plusieurs décennies. Elle augmentera l’anonymat bureaucratique dans les relations entre les médecins, les patients, les laboratoires, les hôpitaux et les pouvoirs publics. Elle suscitera aussi l’affolement récurrent des basses-cours bureaucratiques à chaque bruit d’épidémie colporté par la grande presse.

Il faut être conscient que ce n’est pas au Conseil fédéral, ni à M. Berset qu’échoiraient les compétences enlevées aux cantons. Ce ne sont pas eux qui planifieraient les mesures épidémiologiques, mais bien l’Office fédéral de la santé publique, l’OFSP, celui-là même qui s’était engagé pour dépénaliser la consommation du cannabis et faire accepter la distribution d’héroïne comme une thérapie. Il importait de le rappeler, car le système vit trop bien de nos amnésies.

L’OFSP, entité non pas politique mais administrative, commandera aux cantons. C’est sous son contrôle qu’ils exécuteront les programmes nationaux visant à détecter, à surveiller, à prévenir et à combattre les maladies transmissibles (art. 5). L’OFSP pourra ordonner aux cantons de prendre certaines mesures en prévision d’un risque spécifique pour la santé publique, notamment des mesures de détection et de surveillance des maladies transmissibles, des mesures visant les individus, des mesures visant la population, des mesures de distribution de produits thérapeutiques (art. 8). «Notamment», dit l’article, c’est-à-dire qu’il pourrait y avoir d’autres mesures de flicage sanitaire. Quant aux cantons, ils exécutent la présente loi dans la mesure où son exécution n’incombe pas à la Confédération (art. 75). Déchéance absolue: de souverains, les cantons seront devenus de simples exécutants, aux pouvoirs limités, surveillés de près par une bureaucratie opaque et non dépourvue d’arrière-pensées idéologiques.

Il n’est pas exagéré de dire que celui qui sera à la tête de l’OFSP sera à la tête de la politique générale de la santé en Suisse. La lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, par exemple, permettra à elle seule à l’OFSP d’intervenir non seulement dans la formation des médecins et du personnel infirmier, dans la gestion des hôpitaux et les politiques sanitaires cantonales, mais aussi dans les programmes d’une Ecole publique déjà trop médicalisée.

Ce n’est pas tout, car la bureaucratie et l’expertocratie ne se connaissent pas de frontières. L’OFSP travaillera en lien étroit avec l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, dont les avis pourront déterminer des interventions fédérales (art. 6). L’art. 62 prévoit que, si cette mesure leur est nécessaire pour exécuter la présente loi, l’OFSP et les autorités cantonales compétentes peuvent communiquer des données personnelles, y compris des données concernant la santé, à des autorités étrangères ou à des organisations supranationales ou internationales qui accomplissent des tâches similaires.

Il y a de quoi s’alarmer, surtout quand on lit la suite de l’art. 62: … pour autant que l’Etat concerné, et notamment sa législation, ou ces organisations assurent aux personnes concernées un niveau adéquat de protection de la personnalité. Il y a, dans les bureaux de Berne, comme une épidémie d’inconscience et de cécité politiques.

La délation est à la mode; le délateur, rebaptisé «lanceur d’alerte», est un héros; le journalisme people et persécuteur se présente comme un martyr de la vérité; les fouines américaines se glissent dans les ordinateurs du monde entier; et l’administration fédérale ne trouve rien de plus intelligent à faire que de diffuser tous azimuts les données personnelles de citoyens suisses, leurs noms, prénoms et adresses, les résultats de leurs analyses médicales et leur éventuelle appartenance à des groupes à risques!

Le rôle du politique serait pourtant plutôt de protéger les citoyens contre ce type d’intrusion.

Sur le fond, la transmission de renseignements médicaux à la justice ou aux assurances est déjà délicate à gérer par le médecin traitant. Elle est impensable, organisée par des fonctionnaires suisses à l’adresse d’administrations étrangères ou de groupements supranationaux.

Rappelons, autre rappel nécessaire, que Mme Chan, la directrice de l’OMS, avait annoncé un cataclysme planétaire sans précédent avec la grippe H1N1. Alarmisme coûteux, anxiogène et sans lendemain. On a dit que les experts qui avaient préparé les déclarations de la dame étaient à la botte de groupes pharmaceutiques. Vrai ou faux, il est sûr que, si l’on continue dans l’esprit de la nouvelle loi sur les épidémies, le pouvoir sanitaire appartiendra à la maffia économique ou idéologique qui saura squatter cet organisme mondial échappant à tout contrôle et à toute sanction (Mme Chan à été réélue sans problème après l’affaire H1N1; elle restera au pouvoir jusqu’en 2017).

Avec la loi sur les épidémies, les politiciens défaillants abandonnent les populations qu’ils sont censés protéger aux caprices d’une entité sans âme, sans forme, sans responsable.

La loi sur les épidémies est centralisatrice, étatiste, internationaliste et discrétionnaire. Il faut remonter loin pour en trouver une aussi inutile, inefficace et liberticide. Et il faut avoir perdu tout sens de la liberté personnelle, des souverainetés cantonales et de l’indépendance de la Suisse pour ne pas la rejeter.

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