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De la bonne foi du fisc américain

Olivier Klunge
La Nation n° 1979 1er novembre 2013

Alors qu’un référendum soutenu par La Nation est lancé contre l’accord FATCA, il n’est pas inutile de revenir sur le Joint Statement entre les gouvernements suisse et américain (et échappant donc à tout examen par le parlement et le peuple) qui a fait suite à l’échec de la Lex Americana. Plutôt que d’un accord, il s’agit en fait d’une déclaration commune par laquelle la Suisse «salue les efforts consentis par le Département de la justice américain pour offrir le programme [unilatéral de dénonciation des banques suisses]» et assure le Department of Justice qu’elle va inciter ses banques à y participer.

Si cette manière de faire préserve de manière apparente la souveraineté de la Suisse (puisque ce sont les banques qui «pourront» décider de participer au programme et non le législateur qui intègre une loi dans l’ordre juridique suisse), il n’en reste pas moins que le programme concocté unilatéralement par les Américains contrevient gravement aux règles élémentaires du droit et impose en pratique l’application d’une loi étrangère inique à des sujets de droit suisse, tout cela avec la bénédiction de notre gouvernement. Si la souveraineté d’un Etat est comprise comme sa capacité à défendre, face aux puissances étrangères, son territoire, ses citoyens et ses entreprises, alors la souveraineté suisse est fortement atteinte par cet accord qui abandonne nos banques, leurs employés et leurs clients aux mains de la première puissance internationale.

S’il ne s’agissait que de permettre au fisc américain de punir des établissements bancaires ayant agi sur le territoire des Etats-Unis en permettant à des citoyens américains de frauder leurs autorités fiscales, nous pourrions admettre les principes de ce programme. Il ne s’agit cependant de loin pas uniquement de cela. Premièrement, la définition de US person, soit une personne soumise au fisc américain, va très largement au-delà de la notion de citoyen américain. Surtout, la définition comprise dans le programme se fonde non pas sur les accords qualified intermediary que les banques suisses ont accepté d’appliquer à partir de 2001, mais sur une notion nettement plus large définie dans l’accord FATCA (toujours pas en vigueur ni aux Etats-Unis, ni en Suisse). A cette aune, le simple fait de convenir d’une clause de «banque restante» constitue déjà un indice! Ainsi, les banques doivent payer une amende pour avoir eu, entre 2008 et 2013, certains clients qui n’étaient alors même pas considérés comme américains selon la définition que l’administration des Etats-Unis en donnait alors.

Deuxièmement, les amendes imposées sont arbitraires et confiscatoires.

Les banques les plus concernées et qui font déjà l’objet de poursuites aux Etats- Unis paieront des amendes nettement moins importantes que les autres. Par exemple, UBS, par qui tout a commencé du fait de son empressement sur le territoire américain à courtiser les milliardaires en délicatesse avec l’IRS, a payé une amende représentant 3,6% des avoirs de ces clients. Selon le programme, une banque ayant eu un comportement similaire devra s’acquitter d’une contravention entre 20% et 30%!

Cette disparité de traitement explique pourquoi les grandes banques (déjà en procédure aux Etats-Unis) se satisfont fort bien de cet accord, d’autant plus qu’elles espèrent pouvoir gober à bon compte le portefeuille d’établissements plus modestes mis sur la paille par les rançons du shérif américain.

Enfin, les mêmes avoirs d’un seul client pourront donner lieu à plusieurs amendes. Imaginons une banque dépositaire en août 2008 des avoirs d’un client américain (ou défini comme tel à titre rétroactif); à ce titre elle doit s’acquitter d’une amende de 20% de ces avoirs. En février 2009, ce client décide de transférer ses avoirs auprès d’un autre établissement; ce dernier devra s’acquitter d’une amende de 30% sur les mêmes avoirs. Après mars 2009, sentant la pression monter, la deuxième banque met fin à toutes ses relations avec des clients américains et notre client se voit contraint de placer ses avoirs auprès d’un troisième établissement. Ce dernier paiera une amende de 50% sur lesdits avoirs. On aboutit donc à une amende portant sur le 100% des avoirs! A ces amendes, pourront encore s’ajouter les sanctions contre le client lui-même, son gérant de fortune indépendant, son conseiller fiscal, les administrateurs des sociétés écrans qu’il a mises en place…

En acceptant les principes de ce programme unilatéral, le gouvernement fédéral abandonne nos banques à un racket d’Etat. En le recouvrant du vernis d’un pseudo accord international, il mêle la pusillanimité à la veulerie.

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