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Initiative «pour les familles»

Denis Ramelet
La Nation n° 1979 1er novembre 2013

Depuis le 1er janvier 2011, les parents qui donnent leurs enfants à garder à des tiers peuvent déduire les frais de garde de leur revenu imposable jusqu’à concurrence de 10100 francs pour ce qui est de l’impôt fédéral direct (art. 212 al. 2bis LIFD), jusqu’à concurrence d’un montant déterminé par chaque canton pour ce qui est des impôts cantonaux (art. 9 al. 2 lit. m LHID).

Le 24 novembre, le peuple et les cantons suisses approuveront ou refuseront l’introduction, à l’article 129 de la Constitution fédérale, d’un nouvel alinéa 4 libellé comme suit:

Les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants doivent bénéficier d’une déduction fiscale au moins égale à celle accordée aux parents qui confient la garde de leurs enfants à des tiers.

Pour rédiger cette prise de position, nous nous sommes fondés d’une part sur la brochure explicative du Conseil fédéral1, d’autre part sur l’argumentaire des partisans de l’initiative2.

La première chose à noter, c’est que l’initiative n’apporte pas de restriction supplémentaire à la souveraineté fiscale des cantons par rapport à l’article 9 LHID. Chaque canton reste libre de déterminer, pour le calcul de l’impôt cantonal, le montant qui peut être déduit du revenu imposable au titre des frais de garde. Le nouvel alinéa impose seulement que ce montant soit le même pour tous les parents, qu’ils s’occupent eux-mêmes de leurs enfants ou qu’ils en confient la garde à des tiers.

On peut ergoter à l’infini sur le point de savoir si l’initiative réintroduit l’inégalité supprimée en 2011, comme le prétend le Conseil fédéral, ou si au contraire elle rétablit l’égalité rompue en 2011, comme l’affirment les partisans de l’initiative3. Il y a cependant un fait qui est admis par tous – tant par les partisans de l’initiative, qui le déplorent, que par les opposants, qui l’approuvent –, c’est que la déduction introduite en 2011 constitue une incitation assez forte à confier, contre rémunération, les enfants à des tiers, le plus souvent une crèche.

Or, inciter le plus grand nombre possible de familles à mettre leurs enfants à la crèche est un mauvais calcul à long terme.

Sur le strict plan financier tout d’abord, la plupart des crèches sont publiques et massivement subventionnées: les sommes, souvent élevées, versées par les parents – celles, justement, qui sont en partie déductibles depuis 2011 – couvrent à peine la moitié des coûts réels. En Suisse, le coût annuel d’une place en crèche se situe entre 25000 et 30000 francs, dont une bonne moitié à charge des collectivités publiques, donc des contribuables.

Le fort subventionnement des crèches permet aux partisans de l’initiative de faire valoir deux choses.

Premièrement, la «double-peine» des parents qui s’occupent eux-mêmes de leurs enfants: non seulement ils renoncent à un revenu supplémentaire pour s’occuper de leurs enfants, mais encore ils subventionnent avec leurs impôts les crèches qui permettent aux autres parents d’avoir un revenu supplémentaire.

Secondement, le manque à gagner fiscal, mis en avant par les opposants à l’initiative, est compensé, au moins en partie, par des économies: la déduction fiscale prévue par l’initiative constituant une incitation à s’occuper soi-même de ses enfants, la demande de places de crèche subventionnées sera moins forte, ce qui entraînera des économies pour les collectivités publiques, donc pour tous les contribuables, que ceux-ci aient ou non des enfants.

Plus fondamentalement que sur le strict plan financier, c’est sur le plan psychologique, social et humain qu’il est mauvais à long terme d’inciter le plus grand nombre possible de familles à mettre leurs enfants à la crèche. En effet, nous ne craignons pas d’affirmer que, de manière générale, un enfant est moins bien entouré, encadré et éduqué dans une crèche qu’à la maison. D’abord parce qu’un parent ne s’occupe en principe que d’un, deux ou trois enfants, alors qu’un éducateur ou une éducatrice doit s’occuper d’au minimum dix enfants. Ensuite, et surtout, parce que le dévouement des éducateurs ne remplacera jamais la présence des parents.

Les carences psychologiques et éducatives qui, dans certains cas, résultent du placement en crèche entraîneront, tout au long de la vie des personnes concernées, des coûts importants (pas seulement financiers) pour la société.

Si, sur le plan individuel, il peut y avoir de bonnes raisons de placer ses enfants à la crèche, sur le plan collectif, il convient plutôt d’encourager les parents à s’occuper eux-mêmes de leurs enfants.

C’est pourquoi nous voterons OUI à l’initiative pour les familles.

 

Notes:

1 www.ch.ch/fr/explications-conseil-federal- votation-24112013

2 www.initiative-familles.ch

3 On peut aussi, en théorie, reprocher aux initiants d’avoir concrétisé leur intention de rétablir l’égalité en introduisant une nouvelle déduction plutôt qu’en supprimant celle qui, à leurs yeux, rompait l’égalité. En effet, en bonne doctrine fiscale, il convient de ne pas multiplier les déductions. Toutefois, en pratique, tout le monde conviendra qu’il est plus facile de faire passer une baisse d’impôt en introduisant une nouvelle déduction plutôt que faire passer une hausse d’impôt en supprimant une déduction existante.

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