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Plus de femmes, moins de victimes!

Jacques Perrin
La Nation n° 1986 7 février 2014

Pour les fanatiques de la théorie du genre et les organisateurs bien intentionnés de la journée «Osez tous les métiers» (JOM), l’idée que le rôle social d’une fille puisse coïncider avec son sexe semble tout à fait inquiétante. Il en va de même pour un garçon.

On est fatigué du «carcan masculin / féminin»; on réclame «l’affranchissement des stéréotypes»; on pose «tranquillement» que, «au-delà de ce qui est strictement lié à la reproduction (pour ceux et celles qui choisissent de se reproduire), tout est ouvert»; il faut «permettre aux jeunes d’envisager tous les possibles» car «toute détermination qui viendrait biaiser le seul jeu du travail et des intérêts est condamnée: comme on refuse les discriminations selon l’origine sociale et ethnique, garçons et filles doivent avoir les mêmes chances»1.

Pauvre fille, tu voulais de toute éternité devenir bûcheron, et voilà qu’on t’oblige à jouer avec des poupées! Malheureux jeune homme, on t’enfile des gants de boxe, alors que tes «envies», enfouies au plus profond de toi par la société patriarcale, te portent vers la profession d’éducateur de la petite enfance!

Avec des écoliers, nous lisons en ce moment Le Médecin malgré lui.

Dans son génie si équilibré, Molière, qui défendait la liberté des femmes, a compris ce que pouvait être le féminisme idéologique. La Philaminte des Femmes savantes préfigure les maniaques du genre.

Le plus souvent, chez Molière, les femmes ne se posent pas en victimes, elles assument leur féminité et s’imposent. Elles préservent la société du désordre engendré par les mâles. Même Philaminte, personnage ambivalent, que Molière ridiculise autant qu’il l’affectionne, se voit contrainte d’assumer le rôle de chef de famille à cause d’un mari veule et indécis. Dans Le Médecin malgré lui, Martine sait rendre à Sganarelle, le cavaleur ivrogne qui lui tient lieu de mari, les coups de bâton qu’il lui administre. Et quand le voisin Monsieur Robert vient lui proposer son aide (SOS femme battue…), elle lui donne un soufflet en le priant de se mêler de ses affaires («et je veux qu’il me batte, moi!»). Quant à la nourrice Jacqueline, aux superbes tétons, lorsque Sganarelle entreprend de la lutiner, elle lance à son mari Lucas très inquiet: «Ôte-toi de là aussi; est-ce que je ne suis pas assez grande pour me défendre moi-même, s’il me fait quelque chose qui ne soit pas à faire?»

Le théâtre de Molière abonde en figures féminines – souvent des servantes issues du monde paysan – aptes à faire régner le bon sens, à ramener la sérénité et la décence, face à des hommes qui sortent du «bon naturel» et glissent gentiment vers la folie.

Dans Le Bourgeois gentilhomme, Mme Jourdain, toujours digne, a fort à faire pour empêcher son mari de se prendre pour un aristocrate. Célimène refuse l’atroce solitude à deux que lui propose le Misanthrope. Toinette sauve son maître Argan, le Malade imaginaire, de l’hypocondrie. Dans Les Femmes savantes, la douce Henriette triomphe de la tyrannie intellectualiste exercée par sa mère et de l’indécision paternelle. L’innocente Agnès de L’Ecole des femmes tient en respect le barbon Arnolphe qui sort du bon goût en voulant épouser une jeunette. Seul l’Avare, veuf, ne bénéficie pas des conseils d’une épouse pour échapper à sa passion de l’argent.

En revanche, la sœur d’Henriette, la belle et froide Armande, sert dans Les Femmes savantes de contre-exemple. Elle croit aux préceptes féministes de sa mère Philaminte. Le rôle social qu’elle prétend jouer et son sexe sont trop disjoints pour qu’elle soit heureuse. A la fin de la pièce, elle se retrouve seule et désespérée, ayant repoussé son prétendant pour s’abandonner tout entière à la connaissance.

Espérons que la finesse de Molière touchera les jeunes filles d’aujourd’hui, et que celles-ci s’assoupiront quand les convertis du «gender» dispenseront leur catéchisme.

Nous n’avons pas besoin de femmes aspirant à devenir des «hommes comme les autres», avides de pouvoir et de domination, prêtes à n’importe quelle carrière imbécile dans la finance ou la fournaise médiatico-politique.

Aujourd’hui, seuls les LGBT revendiquent la fierté («pride» en novlangue). Pourquoi les femmes ne se déclareraient-elles pas fières de la force inhérente à une féminité bienveillante?

 

Notes:

1 Les phrases entre guillemets sont tirées d’un article de la sociologue Marie Duru-Bellat: «la Réussite scolaire passe par la fin des stéréotypes», Le Monde du samedi 1er février 2014.

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