Pas de boucan pour les toucans

De même que l’humanisme consiste à s’émouvoir du sort des habitants de Gaza et à se contreficher de ce qui arrive à ceux de Donetsk, le respect consiste à interrompre un vacarme pour ne pas déranger une nichée de piafs tout en se tamponnant de ce qu’on fait endurer aux êtres humains logeant en amont et en aval.

C’est en effet ce qu’on a appris le 3 août dernier:

La Street Parade a coupé le son pour ménager un oiseau – Les fêtards ont éteint les haut-parleurs comme promis en passant devant la volière de Zurich. Objectif: ne pas perturber l’éclosion de petits Calaos couronnés! […] La présidente de la volière municipale zurichoise, Elisabeth Kehl, craignait que les décibels de la Street Parade ne perturbent l’éclosion de petits Calaos couronnés, prévue pour le même jour. Bien au contraire, les fêtards ont fait preuve de retenue et même chanté «Joyeux anniversaire» en passant devant la volière. […] Selon la présidente, on ne saura pas avant quelques jours si l’éclosion s’est bien déroulée. Mais l’un des petits sera nommé Stripi, en l’honneur de la Street Parade et des «ravers» respectueux.

Le rédacteur de l’ATS a sans doute pensé qu’il aurait l’air lui aussi respectueux en mettant une majuscule à «calao».

Le même jour, une autre dépêche nous donnait le bilan de cette Street Parade:

Au total, 677 fêtards ont reçu des soins […]. Plusieurs ont ainsi subi des coupures en marchant sur des débris de verre. […] Pas moins de 224 personnes ont été conduites complètement ivres aux postes sanitaires, et 74 fêtards ont subi les effets d’un abus de drogues. […] En outre, 75 personnes ont dû être emmenées à l’hôpital avec des blessures graves […]. Ces blessures ont été provoquées par des chutes ou par des bagarres. […] La police a été surprise par la quantité de sortes de drogues saisies. […] Les CFF, de leur côté, tirent un bilan positif. […] Un incident a entraîné un retard dans la région d’Aarau: vers 15h00, une personne a actionné délibérément le frein d’urgence, et quelques personnes se sont ensuite mises en travers de la voie. […] Etc.

Mais les calaos, eux, ont eu une paix royale.

Le citoyen du XXI^e siècle se résigne à l’épuration ethnique, religieuse ou linguistique, il tolère qu’on bombarde des civils quand ceux-ci n’intéressent pas les médias, il trouve normal qu’on tue des bébés avant leur naissance et des vieillards avant leur mort, il ferme les yeux lorsqu’on assassine l’orthographe, la grammaire et le goût, il est toujours prêt à étriper son prochain au nom de la justice, de la morale ou de l’éthique, mais il veille vétilleusement au bien-être des perroquets.