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A la recherche de l’identité vaudoise

Ernest Jomini
La Nation n° 2022 10 juillet 2015

Existe-t-elle encore? Allons chercher la réponse à Vidy. Délaissant pour une fois les antiquités gallo- romaines, le Musée Romain a mis sur pied une remarquable exposition consacrée aux Vaudois. Avant même d’entrer, une définition de la psychologie du Vaudois s’offre à notre méditation. Elle provient de M. Gilbert Kaenel, ancien directeur du Musée d’histoire et d’archéologie, à qui l’exposition de Vidy est dédiée: «Une forme d’épaisseur feinte qui cache une finesse insondable, une subtilité incroyable teintée de malice et d’ironie». Entrons donc pour en savoir plus.

L’existence de l’identité vaudoise nous saute aux yeux: des centaines de couvertures de livres affichées aux murs, toutes ayant trait au Pays de Vaud, en commençant par le grand classique: Le Canton de Vaud de Juste Olivier (1838). En bonne place, bien sûr, les différents volumes de l’Encyclopédie vaudoise. Plus loin on trouvera le Portrait des Vaudois, de Jacques Chessex, publié dans nos Cahiers de la Renaissance vaudoise. Comment donc douter de l’identité vaudoise qui suscite une telle floraison d’ouvrages?

Mais l’identité, c’est aussi le langage. De grands panneaux sont consacrés aux nombreux mots que nous utilisons couramment, sans même nous rendre compte que nous ne parlons pas le français officiel d’outre-Jura. Certes, beaucoup de ces mots ne seront probablement pas compris des Lausannois, car ils concernent les choses de la campagne. Mais dans nos villages on serait bien emprunté pour s’exprimer sans la connaissance de ce langage adapté à la vie paysanne. Plus loin, Gilles nous tiendra son célèbre discours sur «le langage des Vaudois».

Pénétrons maintenant dans une pièce cubique. Tandis que le même Gilles récite «La Venoge», nous découvrons au sol une grande et belle carte du Canton de Vaud, semblable à celle que nous avions tant de plaisir à étudier à 9 ans à l’école primaire. L’identité d’un peuple est liée à un territoire. Il nous façonne, comme il a marqué aussi Celtes, Gallo- Romains, Burgondes, puis les Vaudois du Moyen-âge et ceux d’aujourd’hui. Mais apprend-on encore la géographie du Canton? Nous avons entendu un bon élève terminant sa scolarité obligatoire nous déclarer que la Vallée de Joux appartenait au Canton du Jura!

L’exposition fait peu de place à notre histoire. Il y a tout de même un grand tableau qui en mentionne les principales dates. On a même le plaisir de découvrir le manuel Histoire vaudoise de l’historienne Lucienne Hubler. Ouvrage excellent, mais inutilisé, puisque l’histoire vaudoise n’est pas au programme. Beau sujet de thèse: le rôle que les carences de l’école officielle aura joué dans la perte de l’identité vaudoise.

Nous voici devant une série de petites armoires portant chacune la photo d’une personnalité de notre Canton. A l’intérieur: un objet choisi par le titulaire  pour illustrer la vie vaudoise et le nom de deux Vaudois(es) particulièrement remarquables. Sur l’une de ces armoires nous découvrons avec grand plaisir la photo de M. Olivier Delacrétaz. Nous ne vous dirons pas ce que son armoire contient, laissant à nos lecteurs le soin de se rendre à Vidy pour l’ouvrir. Ils pourront aussi décrocher un appareil téléphonique, peser sur la touche adéquate et entendre les réflexions du président de la Ligue Vaudoise.

A travers des films, plusieurs personnages s’adressent à nous. C’est ainsi qu’au passage nous avons entendu l’énumération des surnoms permettant de distinguer les nombreux Rochat habitant les Charbonnières. Ailleurs nous apprenons qu’on ne peut pas résider dans le Canton de Vaud sans en être profondément modifié. Cette règle, nous dit-on, s’applique aussi aux Bernois qui nous ont occupés pendant 262 ans. «Y’en a point comme nous» n’est jamais très loin. Et le vin vaudois, gloire de nos coteaux? Il n’est pas oublié. Mais ce liquide jaunâtre qui dégouline dans une spirale de verres de blanc ne nous paraît pas digne du noble breuvage.

Nous voici bientôt au terme de notre visite. Tout ce qu’on a vu et entendu nous conduit à répondre sans hésiter à la question posée: oui, l’identité vaudoise est bien vivante. Mais il nous faut encore franchir une dernière porte dans laquelle on a percé trois judas. Sous chacun d’eux un même mot est inscrit, qui inspire beaucoup de Vaudois: méfiance-méfiance- méfiance (résidu de l’occupation bernoise?).

Franchissons donc la porte et visionnons le film d’une cérémonie d’accueil des nouveaux Vaudois naturalisés. Tout y est: Conseil d’Etat in corpore, discours du Président, lecture de la formule. Puis, à l’appel de son nom, chacun(e) lève la main pour prêter serment – manie propre à notre Canton qui multiplie les prestations de serment. On se dit que tout va bien et que des forces jeunes viennent renforcer une population sujette au vieillissement, que ces nombreux étrangers vont être rapidement assimilés. Mais il faut déchanter. Certains assermentés, interrogés après la cérémonie, déclarent que l’identité vaudoise ne les intéresse pas. Ils ont obtenu le passeport suisse, avec tous les avantages que ça comporte. Vaudois? Bof… Face aux nouvelles migrations qui déferlent sur l’Europe, pourrons-nous mieux que les Gallo-Romains du Ve siècle sauver notre identité?

A l’entrée, on a reçu un jeton. C’est le moment de l’utiliser en le glissant dans deux récipients (à choix) surmontés de l’inscription: «L’identité vaudoise existe-t-elle?». Oui-Non. Certes, le récipient des «Oui» est plus rempli. Mais celui des «Non» est loin d’être vide. La triple inscription sur la porte était justifiée: méfiance!

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