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Souveraineté à la carte

Benoît de Mestral
La Nation n° 2247 23 février 2024

N’ayant pas réussi à évincer Cassis-le-Tessinois en décembre dernier, les verts essaient de se consoler sur le Cassis-de-Dijon. Une initiative parlementaire déposée par Monsieur Mocchi et signée par trente députés de tous les partis, à l’exception du PLR, demande en effet au Conseil d’Etat de saisir l’Assemblée fédérale afin d’obtenir l’exclusion des denrées alimentaires du principe du Cassis-de-Dijon. C’est un peu court, c’est un peu tard, mais c’est mieux que rien. Nous espérons le succès de cette initiative et de l’intervention subséquente du Canton auprès des Chambres fédérales.

Pour rappel, ce principe de droit européen, dont l’application unilatérale nous a été généreusement offerte par Mme Leuthard en 2010, veut que les produits importés en Suisse ne soient pas soumis à nos propres normes, mais à celles du pays de production. Deux milliards d’économies étaient promis aux ménages; ils ne se réaliseront jamais. En revanche, nos portes sont depuis ouvertes à toutes sortes de denrées de piètre qualité, produites dans des conditions économiques, éthiques, ou écologiques qui sont très éloignées de ce que prévoient les standards suisses. Standards auxquels les producteurs suisses ne sont plus tenus non plus, par souci d’égalité de traitement. Curieux système, à l’heure où chacun réclame du bio, du local, du fair trade, où l’on appelle de ses vœux des «multinationales responsables».

Alors que ces derniers mois ont vu des soulèvements paysans dans presque tous les pays d’Europe, les verts ont peut-être choisi le moment opportun pour attaquer une fois encore le Cassis-de-Dijon. Il ne s’agit toutefois que d’y soustraire les denrées alimentaires, pas de l’abandonner entièrement. La gauche perpétue ainsi une erreur ancienne: elle méconnaît la nature de la souveraineté en prétendant pouvoir la défendre dans un ou l’autre domaine uniquement. La souveraineté ne peut exister durablement que si elle est complète. Sans indépendance politique et militaire, sans frontières et douanes, sans tribunaux libres, comment garantir la souveraineté alimentaire? De la même manière que nos cantons, «souverains pour le reste», voient les dernières parcelles de leur pouvoir être peu à peu aspirées par l’Etat fédéral, la Suisse «volontairement soumise» à l’Union Européenne, voit les pans de sa souveraineté tomber les uns après les autres. Le navire prend l’eau de toute part, et nos députés s’obstinent à n’écoper que le garde-manger.

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