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Paix aux hommes de bonne volonté - Et tant pis pour les autres 99%

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 1998 25 juillet 2014

Nous sommes au XXIe siècle, c’est l’été, et tout va très bien.

La Libye, libérée du vilain Kadhafi, est devenue un espace incontrôlable où diverses milices s’entretuent tandis que les occidentaux s’éclipsent discrètement. Les médias ne nous en parlent quasiment pas, surtout depuis qu’un des responsables de la révolution de 2011 aurait avoué que le massacre de manifestants à Benghazi, prétexte au déclenchement de la guerre, avait été entièrement mis en scène par «un groupe d’espions et de mercenaires».

L’Irak, libéré de l’affreux Saddam Hussein, puis décimé par dix années d’attentats quotidiens entre factions ethnico-religieuses rivales, a été pris d’assaut ces dernières semaines par une armée islamiste sortie de nulle part, qui y a fondé son propre Etat en s’emparant au passage de quelques usines chimiques. Les médias nous en ont parlé pendant quelques jours, puis ont décidé que l’affaire était classée; le sort réservé aux chrétiens de Mossoul (ils n’ont eu que quelques heures pour faire leurs bagages avant que leurs maisons ne soient incendiées) n’a fait l’objet que de quelques entrefilets.

En Palestine, les affrontements entre israéliens et arabes, qui n’avaient jamais cessé, ont repris. Il est communément admis que les premiers sont des méchants et les seconds des gentils, bien que la prudence – plus qu’un véritable désir d’objectivité – pousse les médias à s’en tenir à un manichéisme modéré. Dans ce conflit – et seulement dans celui-ci –, le sort des populations civiles intéresse les médias qui y accordent une large place, en nous livrant chaque jour force photos terribles ainsi que le décompte exact des victimes. Pas vraiment d’information, juste de l’émotion.

En Syrie, le président el-Assad continue de mener une guerre cruelle et haineuse contre une partie de sa population – parmi laquelle on ne peut toutefois pas exclure que se soient glissés quelques djihadistes peu recommandables. Les médias, autrefois très prolixes sur ces événements, se montrent désormais un peu plus discrets, notamment face à la perspective de voir les quelques djihadistes peu recommandables rentrer en masse dans les capitales européennes.

En Ukraine, le président Porochenko, élu démocratiquement par les états-majors euro-atlantistes, mène une guerre juste et courageuse contre une partie de sa population – arriérée, ignorante du Progrès et infestée d’agents russes. Les victimes civiles de ce conflit n’émeuvent personne chez nous: aucune photo ni aucun décompte dans les médias, aucune condamnation internationale, aucune manifestation dans les capitales européennes. Les seuls morts que l’on pleure sont ceux du Boeing 777 de Malaysian Airlines; ceux-ci représentent les dommages collatéraux des efforts de chacun des deux camps pour tenter d’entraîner la Russie dans la guerre, avec le risque de déclencher un nouveau conflit mondial.

Donc le monde va décidément très bien et les Suisses ont eu raison de renoncer à acheter des Gripen. Que ferions-nous avec des avions de guerre dans ce monde de paix? * * * on attend maintenant avec résignation ce qui se passera en Ecosse le 18 septembre prochain. Les habitants d’Edinbourg et de Glasgow, s’ils votent pour leur indépendance, connaîtront-ils le même sort que ceux de Slaviansk et de Donetsk? Le monstre du Loch Ness sera-t-il victime d’un mystérieux missile? A moins que Bruxelles ne prenne fait et cause pour les Highlanders susceptibles d’affaiblir l’indocile Albion, et que les ligues LGBT et les théoriciens du gender ne se laissent séduire par l’émancipation d’un pays où les hommes se promènent en jupe? tout est possible, surtout le pire, et mieux vaut en rire maintenant avant que cela ne devienne aussi tragique.

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