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Daniel Laufer
La Nation n° 1982 13 décembre 2013

Il est assez significatif que les programmes et autres affichettes distribués au théâtre Kléber Méleau, avant le spectacle de La Dame de la mer, de même que les annonces parues dans toute la presse, ne fassent aucune mention de la distribution des rôles. On doit se contenter d’une liste minuscule des noms des acteurs et des actrices, une équipe au service de M. Omar Porras, le metteur en scène. On ne sait donc pas qui est Ellida, l’actrice principale, la Dame de la mer, ni qui incarne le Dr Wangel… etc. etc. C’est normal. Porras, à la suite de Langhoff, prend prétexte du grand texte d’Ibsen pour affirmer la prévalence de la mise en scène sur la puissance cathartique du texte. Tous les acteurs sont mauvais; ça n’a aucune importance. A la rigueur, on pourrait même les remplacer par des haut-parleurs. L’essentiel, pour Porras, comme pour Matthias Langhoff, c’est la mise en scène, et c’est même plus que cela; c’est l’affirmation d’un nouvel art, d’une nouvelle conception du spectacle qui ne doit que la synopsis à l’auteur. Il nous souvient de la représentation de Macbeth, montée par Langhoff à Vidy dans les années nonante: il était si manifeste que les acteurs, les figurants faudrait-il mieux dire, ne comprenaient rien du texte qu’ils devaient déclamer, que nous nous sommes enfuis à l’entracte pour lire, ravis, le texte splendide de Shakespeare.

On concède à Porras d’avoir pris la précaution de prévenir les spectateurs: on vous présente La Dame de la mer, d’après Henrik Ibsen. Tout est dans le «d’après». Il faut toujours se méfier des «d’après». En 1999, Rochaix avait monté à Vevey une fête «d’après la Fête des Vignerons», l’essentiel du spectacle, c’était une mise en scène Rochaix.

On imagine volontiers, dans cette nouvelle conception de l’art théâtral, que Porras pourrait, pourra être appelé à mettre en scène Rheingold – L’Or du Rhin. Une rénovation! Cela s’appellera L’Argent du Rhône, avec de mauvais chanteurs, surtout pas wagnériens, qui diront le texte plutôt que le chanter, l’orchestre en sourdine, et dans un déluge d’effets spéciaux l’on verra s’avancer sur les eaux du lac, le cygne de Lohengrin – on n’en est pas à une invraisemblance près – sous les apparences du vapeur Vevey, si dignement rénové, un cygne à vapeur, dont la cheminée portera un grand anneau en argent. Génial! Du Porras tout craché.

Daniele, Daniele Finzi Pasca, jure moi, jure moi que la Fête des vignerons de 2019, ne sera pas «d’après».

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